mardi 19 décembre 2017

Une fille des rues

Georges Perros chez lui, à Douarnenez, coll. privée



A ceux pour qui, littérature,
Tu es tout, et qui vivent comme
Il ne fallait pas vivre pour
T'aimer, toi, fille des rues,
Je dis merde de tout mon cœur
Qu'ils le sachent si bon leur semble
D'ouvrir ce livre, et d'un œil flou
En traverser les lignes grises
La poésie, moi, je m'en fous
Plus qu'un dernier an quarante
C'est respirer qui m'intéresse
Avec la mer, le ciel, gratuits
Mon plaisir cueille ma détresse
Comme on cueille une fleur des champs
Pour l'offrir à qui passe. Ainsi
Le vœu que j'ai fait dans ma vie.
Ce qui ne m'empêche pas d'aimer
Bien plus que tout autre peut-être
Les poètes que vous prônez
Gens de la syntaxe actuelle.
Vous appartiendraient-ils ? Ainsi
Serais-je jamais fichu d'être
Celui-là qui dit de ces choses
Qui feraient éclore les roses
Rien qu'à les sentir, les aimer
(citation Hölderlin)
En bleu adorable fleurit…
Je ne règle compte à personne
Ne vit-on pas tous comme on peut
Le miracle d'être. La vie
Cependant est à tout le monde
Il est trop fin de l'oublier.


Fragment écarté de l'édition définitive d'Une vie ordinaire (1967). D'autres textes inédits de Georges Perros, issus de carnets et documents retrouvés, des entretiens, des critiques,  des publications pour des revues et jamais reprises en volume, mais aussi tous les écrits publiés du vivant de l'auteur des fameux Papiers collés, sont regroupés, sous la direction de Thierry Gillybœuf, dans l'imposant Quarto, Georges Perros, Œuvres que vient de publier Gallimard. 1596 pages pour 32 euros. C'est moins cher que la Pléiade de J'en dors le monde et le papier est de meilleure qualité – le brochage, je ne sais pas. Mais on y reviendra forcément.

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