Avant de repartir chez sa mère, ma fille a voulu m'emprunter un film ou deux. Des trucs que tu nous montrais quand on était petites et que j'aimerais bien revoir. Je leur ai montré tellement de films, il y a de cela tellement de temps, j'ai l'impression d'être un vieillard...
Depuis que j'habite cette maison, les DVD sont couchés dans une niche de l'escalier. Les étagères sur mesure que nous voulions prendre le soin d'y installer, les murs n'étant pas droits, ne verront certainement jamais le jour. Tout comme le vidéoprojecteur que nous rêvions d'acheter un jour, quand on aura les moyens, pour continuer à regarder des films tous ensemble. Nous savons depuis peu que la maison n'est plus habitable, qu'il va nous falloir la quitter, seule la date de ce renoncement demeurant encore incertaine.
Les films sont là, attendant, sans trop d'illusion, que l'on pense à eux. Fort heureusement, de temps en temps, ils circulent d'une maison à l'autre.
J'ai acheté beaucoup de DVD à une époque. Le plus souvent, en pensant les partager avec elles. Je vivais seul et lorsqu'elles venaient me visiter, c'était la fête du cinéma. La demande de ma fille m'a rappelé quelques absurdités de ces séances. Leur passer Psycho - oui, en VO, je tenais beaucoup à la VO dès qu'elles ont été en âge de lire - les a terrorisées. Impossible ensuite de faire prendre une douche à l'une sans la présence dans la salle de bains de l'autre. Je pensais que les enfants aimaient avoir peur. Il était hors de question qu'elles pensent que la vie allait ressembler à un long fleuve tranquille publicitaire.
Les parapluies me permettait de dissimuler mes larmes d'être séparé d'elles derrière celles naturellement suscitées par ce film enchanté mais épouvantablement déchirant. Nous n'étions pas beaux à voir, à nous disputer la boîte de mouchoirs sur le canapé. Il était hors de question qu'elles s'imaginent une seconde que la découverte du sentiment amoureux allait les propulser aussitôt dans une comédie musicale – mais je pense tout de même leur avoir montré Les Demoiselles avant…Et je transposais en noir et blanc avec ce film unique de Charles Laughton les lectures trop rares du soir au pied de leurs lits.
Le plus difficile était de les coucher. J'avais instauré un rituel stupide, celui des extraits. De films pas de leur âge, je passais un bout, souvent le début, ou une séquence isolée.
Elles en redemandaient un dernier. Et le dernier devenait l'avant dernier. Et je ne pouvais mettre fin à ces moments privilégiés où, collées à elles, je testais leur curiosité, leur goût, les limites de ce que je pouvais leur apprendre. Parfois, je pausais et revenais en arrière, leur montrant tel ou tel truc de montage, le choix d'un cadrage, l'absence de dialogue, l'arrivée d'une musique.Je leur montrais des choses étranges, tout au moins inattendues, espérant les éloigner du trop commun, du tout venant. Elles me traitaient de fou en se marrant. Et en redemandaient. Ça non plus, ça ne reviendra plus.
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