Flamencas

Colita

- Tu ne crois pas qu'il y a débat plus urgent, en ce moment ?
- Tu voudrais parler de quoi ? Des salauds de la CGT qui bloquent le pays ? 

- J'ai pas dit ça.

- C'est ce que les médias laissent entendre, non ? D'un côté, des casseurs, de l'autre des syndicats archaïques qui refusent d'inscrire la France dans la modernité. Une minorité. On connaît la chanson. 

- J'y connais rien en flamenco, moi !
- Alors, faut pas balancer ce genre de conneries !

- Qu'est-ce que j'ai dit ? A propos des femmes ?

- Les femmes, le machisme, des armées de clichés comme tu aimes les faire défiler. Pour toi, les femmes dans le flamenco, ça ne sert qu'à montrer les jambes en secouant les robes à pois. La vérité, mon vieux, comme en politique d'ailleurs, est un peu plus complexe, moins noir ou blanc. 
- Fait chaud, non ? T'en reprends une ? Ton chanteur préféré, là, la crevette de l'île... 

- Camaron ! Je préfère le surnom de José Monge Cruz en version originale, si ça ne te dérange pas.

- Oui, eh bien, donne-moi le nom d'une femme qui a atteint la popularité de ton José. En version originale, hein !

- Mon vieux, il ne faut pas confondre notoriété, popularité comme tu dis, entretenue par les médias et la légende qu'ils nous fabriquent. La célébrité n'a rien à voir avec le talent, la tradition... Tiens, regarde ça. Camaron était une jeune vedette quand la téloche espagnole vient filmer une fête chez sa mère. Regarde de qui il tient.

- Ok, mais ça, c'est de la mise en scène pour émouvoir dans les chaumières.

- Si tu veux. Mais tu as entendu la voix de sa mère ? Camaron a toujours dit que sans elle, il ne serait pas devenu chanteur mais torero... C'est parce que, enfant, on lui avait trouvé un don qu'il fut rapidement sollicité pour son chant, qu'on l'invitait à droite à gauche dans ce genre de fêtes, qu'on lui filait à manger, qu'il commençait à gagner un peu de fric très jeune qu'il a trouvé sa voie avec sa voix et renoncé aux costumes ridiculement moulants des toreros.

- Et à une mort prématurée.

- Parce que mourir à 41 ans, ça ne te semble pas prématuré ? Tu vois, Camaron avait une idole, Caracol, qu'adorait mon père. Mais il admirait les femmes chanteuses. Regarde comme il s'éclate à la guitare, dans l'ombre ici d'Antonia La Negra.

- Je sais ce que tu vas me dire, la télé, tout ça. Mais non ! Des chanteuses, de très grande qualité, je peux t'en trouver autant que je veux, mais ça prendrait des heures à visionner tout ça. Je me souviens de La Niña de los peines qu'écoutait également mon père. Ou de la Paquera de Jerez. Regarde-moi ça, de quoi fermer ta grande gueule un moment !
- T'énerve pas !
- Je ne m'énerve pas, j'explique ! Allez, paie ta tournée !

- Et la Marelu, alors ? Les Jennifer, les Pauline Croze, les Vanessa Paradis et tutti quanti, elles peuvent aller se rhabiller. Que dis-je ? Si elles se rhabillent, elles n'ont plus aucun intérêt.

- T'as vu ? On y retrouve même Paco Cepero, qui accompagnait Camaron et sa mère. 

- C'est super, mais j'y comprends rien.

- Et la Carla Bruni, t'y comprends quelque chose à ce qu'elle baragouine avec sa guitare ? Et la Camille, Donne-moi ta douleur ! Je rêve ! La douleur, ces femmes n'ont pas besoin de la prendre aux autres ! Tiens, prends un peu de Bernarda - qui a une soeur Fernanda, pas dégueu non plus.

- Je te dis, on pourrait continuer comme ça des heures. Et même en couleur. Avec la fille d'Enrique Morente.

- Tiens, y'a même le grand Habichuela à la guitarre. Une sacrée famille de musiciens !

- C'était pas lui dont les filles avaient lancé un groupe à la con, Les Ketchup ?

- Merde, je l'es avais oubliées celles-là. Mais c'étaient les filles de Tomatito, un autre guitariste de génie. C'est lui qui a pris la relève de Paco de Lucía auprès de Camaron. Putain, Les Ketchup ! La honte de la famille... Touché, camarade.
- Ça va aller ?
- Et la manif, y'avait du monde, hier ?
- Ahmed, la même chose, s'il te plaît ! Notre Hidalgo ne se sent pas bien, tout à coup...