- Tu sais ce qui a également disparu ?
- La solidarité ? L'honnêteté ? L'intelligence ?
- Non, je pensais aux cacahuètes.
- Les cacahuètes ?!
- Parfaitement ! On évoquait ça l'autre jour.
- Les cacahuètes ?
- Non, enfin, oui. Tout ce qui avait disparu, dans les bars : le flipper, le baby-foot…
- Ah oui…
- Ben, on a oublié les cacahuètes. Tu te souviens à une époque pas si lointaine, dans le petit bar en bas de chez nous, on nous servait une coupelle de cacahuètes?
- Systématiquement.
- T'en prenais jamais !
- Ça me fait mal au bide, les cacahuètes. Et les œufs durs, alors ?
- Ah oui ! Ils ont disparu eux aussi.
- Le formica a tué l'œuf dur.
- Quel est le rapport ?
- Le formica a remplacé le zinc. C'est sur les zincs que tu trouvais l'œuf dur. Et son petit présentoir. Mais bon, fallait payer, ce n'était pas gratuit. 50 centimes, l'œuf. En francs, hein ! Aujourd'hui, il ne reste que les croissants dans certains bars.
- Le matin seulement !
- Oui, en général, mon vieux, le petit-déj', les gens le prennent le matin.
- J'avoue.
- Quoi ?
- Pardon. C'est vrai que c'est tentant.
- De parler comme un djeun's ?
- Non. Je parlais des croissants sur le comptoir. C'est tout chaud, ça sent bon.
- C'est bien gras et le parfum est artificiel le plus souvent.
- Comme dans les croissanteries ?
- Exact, elles te guettent à la sortie du métro, de l'école, avec leurs parfums bidons et leur bouffe industrielle. "Tous nos produits sont cuits sur place", qu'ils disent ! Tu parles !
- J'ai déjà vu des fours dans ces boutiques !
- Oui, OK, mais c'est juste cuit, ça arrive conditionné en direct de l'usine.
- Quelle usine ?
- L'usine à croissants, ducon ! Après, ils mettent une blouse et une toque à la con et ça fait la blague. On remet ça ?
- La dernière alors… Tiens, justement, t'as entendu parler de cette enquête sur l'obésité ?
- Non. Mais c'est normal : on bouffe comme des malades avant que tout disparaisse !
- Attends.
- Tu ne peux pas m'en parler sans fouiller ton téléphone que tu crois intelligent ?
- Ben, je veux te donner les chiffres exacts.
- Tu ne les as pas retenus ?
- Comment tu veux retenir ? On te balance les chiffres du chômage puis ceux de l'obésité…
- Ça n'a aucun rapport, tu crois ?
- Tiens ! J'ai trouvé.
- Non, c'est un algorithme qui s'en est chargé !
- Si tu veux. Bon, alors : 640 millions de personnes.
- Obèses ?
- Oui. Bientôt 20% de la population.
- En France ?
- En 40 ans, nous sommes passés d’un monde où l’insuffisance pondérale était deux fois plus importante que l’obésité à un monde où les personnes obèses sont plus nombreuses que celles en sous-poids.
- Qui peut dire des conneries pareilles ?
- Le coordinateur de l'étude. C'est pas des conneries. Mais, c'est bizarre, ça ne concerne que les adultes. Je ne vois pas les chiffres sur les mineurs…
- Oui, ça doit être effrayant…
- Attends, ils terminent l'article par cette phrase : En 2014, l’OMS estimait que près de 41 millions d'enfants de moins de 5 ans souffraient de surpoids ou d'obésité.
- C'est certainement un peu plus vrai à Los Angeles qu'à Bobo-Dioulasso… Ils parlent des causes dans ton truc ?
- Alimentation industrielle essentiellement. Trop riche. Et prédispositions génétiques aussi.
- Et addiction, non ?
- Ils n'en parlent pas. Tu veux dire quoi, par là ?
- Je ne sais pas, l'addiction au sucre, au sel, au gras…
- Je me sens mal tout à coup.
- Tu vois finalement, c'est bien qu'ils aient fait disparaître les cacahuètes…
- Quand j'étais à Saint-Sébastien, je m'en souviens, on te proposait dans tous les bars un pincho de quelque chose. Des anchois, une tortilla…
- C'est vrai. Ça m'avait étonné quand j'étais jeune et que je bossais l'été à Madrid. Vers onze heures, on descendait au café pour el almuerzo. On grignottait un truc avec un jus ou une bière. Et on remontait. Fallait tenir jusqu'au déjeuner vers 3 heures…
- Moi, je te parlais du soir, les apéros, ça y va, là-bas !
- Faut tenir jusqu'au dîner, fixé vers 22h30…
- Vous savez vivre, vous, hein !
- Ben, on ne peut pas dire que ce soit très diététique, la charcuterie, les fromages, les poissons marinés, les tortillas, le pain… Mais bon, on va tous crever !
- La dernière ?
- Déjà ?
on va tous crever et en plus trouver le temps long ! vive les pinxo !
RépondreSupprimerThe food here is terrible, and the portions are too small.
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