This isn't happiness |
Au début, j'ai cru qu'il s'agissait de ces chapeaux que l'on improvise avec du papier pour amuser les enfants ou se protéger d'un soleil intempestif. Mais aujourd'hui tous les médias ayant cette expression dans la bouche et sur les écrans (de fumée), j'ai compris qu'il s'agissait d'une nouvelle série haletante et addictive.
Les producteurs, l'ICIJ, entendons par là et en français Consortium international des journalistes d’investigation, 107 titres répartis sur 76 pays et réprésentés chez nous par le quotidien vespéral des marchés, entendons Le Monde, se gargarisent de leur boulot, parlant d'un "basculement à l'ère du big data" (dixit Jérôme Fenoglio, le gars qui la semaine dernière me demandait de supprimer mon logiciel antipub afin de pouvoir financer tranquille ses équipes à coups d'encarts pop-up concoctés par quelques petites multinationales philanthropes et se pose aujourd'hui en Père la morale). On nous promet donc des épisodes palpitants dans les domaines les plus variés (politique, finance, sport, crime organisé et même grands médias...), de quoi, nous dit-on, si rien n'est fait, assister très prochainement rien de moins qu'à l'effondrement de la mondialisation et de l'ultralibéralisme, diantre !
Je propose de ne rien faire... Et j'ai même l'intuition que rien ne sera fait. Et que le village-monde a encore de beaux jours devant lui.
Je me disais ça, ce matin, en me lavant les dents qu'il me reste. Je venais d'entendre à la radio, pour la énième fois, que si le scandale était sans pareil, il n'y avait rien d'illégal dans cette affaire. Ce que cachaient ces caches de fric plus ou moins sale était simplement un manque de transparence. Un brin de malhonnêteté, voire d'immoralité. Pas plus. Et ça, nous y sommes tous habitués et sommes de longue date résignés. On fera semblant de s'offusquer durant quelques jours et une fois la série parvenue à son terme, on nous en proposera une autre.
Je pensais aussi, en recrachant l'eau de rinçage, à ces non-résignés de la place de la République aperçus dimanche après-midi. Cette génération Facebook, celle qui en bradant sa vie privée sur la toile a permis à un jeune étudiant de devenir l'un des plus redoutables millionnaires de la planète, représentante du soi-disant esprit du 11 janvier, cliente des bars mitraillés du 13 novembre, vient de découvrir le vide présent et futur de son existence uberisée et, "trop choquée", se mobilise à travers ces réseaux sociaux. Frédéric Lordon himself, s'improvisant sans mal en tribun, voire en leader révolutionnaire, estime que quelque chose, dans cette confusion des esprits, est, peut-être, en train de se produire. On aimerait bien entendu le croire, imaginer un joyeux bordel et une classe politico-médiatique tremblant sur ses privilèges et mensonges, des marchés affolés et un système s'écroulant une bonne fois pour toutes. Mais, tout en m'essuyant la bouche et en repensant à la Grèce puis à l'Espagne, je me disais qu'il y avait encore pas mal de boulot en matière d'information, de formation, de prise de conscience, d'organisation, de revendication et de projet de société pour faire de ce mouvement des affects une catastrophe effective.
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