1982, les plans sociaux se
multiplient dans l’industrie automobile française. Le tournant néolibéral
ne dit pas encore son nom mais entame sa marche inexorablement destructrice. Les
ouvriers déchantent, tombent par milliers. Le gouvernement de gauche envoie
les forces de l’ordre évacuer les grévistes des usines où se déroulent des
« ratonnades » contre les collègues étrangers, jugés plus dociles. Le
narrateur du roman de Stéphane Guibourgé a 16 ans lorsque son père est licencié
du site Talbot de Poissy. Ce « fils de rien », abandonné par son
frère, disparu du jour au lendemain sans un mot, subit la violence de l’homme
déchu, son silence. Il trouvera refuge auprès de gitans qui ont aménagé leur
camp sous un pont et qui l’initieront à la délinquance. Mais c’est au sein
d’une bande de skins, dite la Meute, qu’il acquiert une identité en devenant Falco. S’en
suivent les bastons au sein des kops des stades de foot, les viols de filles
arabes, juives ou lesbiennes, d’autres ratonnades, une sauvagerie quotidienne comme
un revers de la violence économique. Si Falco cherche ainsi à se prouver
qu’il est encore vivant, il sait qu’il n’existe d’autre issue à ces absurdes et
révoltants actes criminels qui ne passe par la case prison. Stéphane
Guibourgé construit son récit sec, sans pathos ni fascination, certainement
dérangeant, en conjuguant habilement les différents âges de son
narrateur. Après sa libération, Falco, hanté par son passé, devient à son
tour un père démissionnaire mais tente, en pleine montagne, de donner un toit à
son fils car, au fond, quarante ans plus tard, les conditions de vie réservées
aux enfants d’humiliés restent pour ainsi dire les mêmes.
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