On n'avait pas l'âge.
Mais Pascal possédait une machine à écrire. Les cartes d'identité
étaient cartonnées et pouvaient facilement être glissées sur le cylindre. Il avait du voir ça dans un film. Les dates
de naissance furent modifiées en quelques frappes. C'est en retirant la
dernière carte, la mienne je crois, que nous nous sommes rendus compte
que nous étions décidément nuls en maths : au lieu de nous vieillir, Pascal
nous avait rajeunis. Rectifier de nouveau les dates aurait fini par
perforer les cartes... C'est le cœur battant que nous nous sommes quand
même présentés à la caisse du cinéma. A notre soulagement, la caissière
nous a vendus les places sans nous demander notre âge. Sans vérifier nos
cartes d'identité ! A notre grand étonnement, se
joignait un sentiment de déprime : à 15 ans, nous faisions plus vieux
que notre âge ! Le film s'appelait Vivre vite, Deprisa deprisa
en VO. Carlos Saura l'avait réalisé et agrémenté de chansons rumbesques
du moment comme celle des Chunguitos, un groupe de frères gitans qui
connut son heure de gloire dans ces années-là. La vidéo ici est
gratinée. Mais je me contrefiche de leur piètre sens du playback ou de
leur présence mal assurée sur scène, c'est ma jeunesse que je retrouve,
malgré le souvenir de l'humiliation infligée par la caissière du Forum Orient Express, l'émotion de l'événement et celle ressentie devant ce film… Je l'ai montré l'an dernier à mes filles. Elles ont l'âge que j'avais à l'époque et j'espère qu'elles ne font pas plus. Elles l'ont beaucoup aimé. C'est vrai que ça tient le coup !
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