mardi 31 octobre 2017

Qu'est-il arrivé au cinéma ?

 
Rencontre au sommet entre
Arnaud Desplechins et Vincent Macaigne




- Ce matin, à la radio, j'ai entendu dire que le cinéma véhiculait une culture du viol...
- Le journalisme dans toute sa splendeur...
- Entre Polanski, Weinstein, tous ces témoignages...
- Je sais, je sais, mais c'est un peu l'overdose, là.
- J'ai l'impression que tu n'en as plus rien à faire, du cinéma...
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- T'es là, à critiquer sans cesse la production d'aujourd'hui ‒ les films français en particulier...

- C'est un peu caricatural...
- Tes critiques ?
- Peut-être.
- Je ne comprends pas...
- Quelle importance ? N'en parlons plus.
- Tiens, je te paie un coup. Qu'est-ce que tu prends ?
- Tu me paies un coup ? Toi ?
- Pour ton anniversaire.
- C'était la semaine dernière.
- J'étais en vacances. Désolé.
- Champagne, alors.
- Tu préfères pas un demi ?
- Tu n'es qu'un rat...
- T'inquiète pas, je te la paie ta coupe !
- Quelle coupe ? On prend une bouteille ! Et du meilleur !
- Sacré blagueur... On t'a fait plein de cadeaux à ton anniversaire, j'imagine ?
- Ma fille m'a fait un gâteau et ma femme m'a racheté mon parfum...
- C'est tout ?
- Ah non. Tiens, je déprimais tellement en sortant du ciné la veille que je me suis consolé en jetant un oeil aux films produits ou sortis l'année de ma naissance.
- T'as vu quoi ?
- Dans la liste ?
- Non, au cinéma. 
- Ça :



- La Naissance d'un cinéaste engagé, ça ?!
- Tu as bien lu...
- Je ne savais même pas que ce truc existait...
- C'est encensé partout. C'est le cinéma d'aujourd'hui.
- J'ai l'impression que ça ne t'a pas réconforté...
- Non, plutôt conforté.
- Qui a fait ça ?
- Vincent Macaigne, un génie. A la fois acteur, scénariste, réalisateur, metteur en scène, dramaturge...
- Connais pas...
- T'as de la chance...
- Oui, j'imagine que si tu compares avec les films sortis l'année de ta naissance...
- Tiens, tu veux voir ?
- J'ai pas mes lunettes.
- Je peux te la lire.
- C'est long ?
- Ce n'est pas exhaustif, en tous cas.
- Vas-y. Fais-toi plaisir.
- Huit et demi
- Fellini ?
- Exact. Le Guépard.
- Visconti, non ?
- C'est pas un jeu, je ne te demande pas le nom du cinéaste à chaque fois. 
- Ok, Ok...
- Les Oiseaux.
- Ah oui, Hitchcock !
- Ça suffit ! Maintenant, je te donne le nom des réalisateurs et tu la fermes. Le Mépris. Godard. Qui la même année, fait Les Carabiniers. Et Le Petit Soldat.
 - Le premier, je connais, c'est avec Bardot. Les deux autres, c'est des films mineurs, non ?
- Non. Adieu Philippine. Rozier.
- Connais pas.
- Te fatigue pas, je m'en fous si tu connais ou pas. Lawrence d'Arabie (Lean), Main basse sur la ville (Rosi), Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (Aldrich), Irma la Douce (Wilder), Docteur Jerry et Mister Love (Lewis), Le Feu follet (Malle), Cléopâtre (Mankiewicz)...
- Avec Elizabeth Taylor ?
- Oui, bravo. Stop ou encore ?
- Encore !
- The Servant (Losey), La Taverne de l'Irlandais (Ford)...
- Avec John Wayne ?
- Bravo.
- Et Lee Marvin, non ?
- Effectivement. Bon, je peux continuer sans être interrompu ? Charade (Donen), James Bond contre le docteur No (Young), Le Silence (Bergman, qui la même année fait Les Communiants), Entre le ciel et l'enfer (Kurosawa), Le Doulos (Melville, qui la même année fait L'Ainé des Ferchaux).
- Simenon !
- Les Abysses (Papatakis), Shock Corridor (Fuller), Les 55 Jours de Pékin (Ray), America America (Kazan), Il faut marier papa (Minnelli), La Baie des anges (Demy), Un Enfant attend (Cassavetes)
- Ah ça, j'ai vu. C'est pas terribe. 
- C'est un film de commande. Mais c'est pas déshonnorant. Et je me fous de tes commentaires. Surtout sur Cassavetes. Commande plutôt une autre coupe ! Je reprends : Judex (Franju), Les Mauvaises Fréquentations (Eustache), Les Monstres (Risi), Les Tontons flingueurs (Lautner), Mélodie en sous-sol (Verneuil), Le Bourreau (Berlanga), La Femme insecte (Imamura), Muriel ou le temps d'un retour (Resnais), Le Vice et la Vertu (Vadim), Landru (Chabrol), La Vengeance d'un acteur (Ichikawa), Les Fiancés (Olmi), Le Lit conjugal (Ferreri), je peux même ajouter Les Parapluies de Cherbourg qui ne sort qu'en 1964 après avoir raflé la Palme d'or de Cannes mais qui est une production de 1963 et qui obtient cette année-là le Prix Louis-Delluc. Bon, j'arrête là.
- C'est épuisant.
- Oui, surtout si tu te remémores les films au fur et à mesure... 
- On a perdu quelque chose.
- Indéniablement.
- Ok, mais tu ne peux pas, jusqu'à ta mort, chialer sur ce qu'on a perdu...
- Je ne chiale pas. Je n'ai rien contre lui en particulier, mais on ne me fera pas avaler que Macaigne, c'est révolutionnaire, un vent frais dans le cinéma, et patati patata...
- On a peut-être perdu le sens de la mise en scène, mais on a gagné le sens du marketing...
- Si c'est pas du viol, ça... Allez, fais pas ta pince, commande une bouteille !


6 commentaires:

  1. Grand merci a) Pour m'avoir économisé 6 balles. On a beau s'en douter, on a parfois de regrettables curiosités. b) Pour l'extrait des Nouveaux monstres de Risi. C'était mieux quand les cognes n'étaient pas cagoulés.
    J.

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    1. Je vous en prie, cher J. Vous êtes ici chez vous. Ce sketch des Monstres est redoutablement efficace et subversif, et cela, en un seul plan et sans la diarrhée verbale chère à notre cinoche ! Portez-vous bien !

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  2. Oups ! Les Monstres pas encore nouveaux. Scusi.

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  3. "C'était mieux avant !" Eh oui... Tu vieillis "nos consolations", tu vieillis...

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    1. Oui, je passe mon temps,à chialer sur le passé, tu sais bien…

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