mercredi 13 juillet 2016

Vous reprendrez bien un peu de bouillie ?





Un jour, quelqu'un me dit avoir pensé aux chroniques cinéma de Manchette après avoir lu une babille ici. Qui était-ce et à quelle occasion fut prononcée pareille ineptie, je ne sais plus et qu'importe. On ne peut s'empêcher de classer, comparer, rapprocher ce que l'on découvre de ce que l'on connaît. 
Jamais lu les chroniques de Manchette. Un seul roman de lui, Nada, et parce que Chabrol en avait fait un film. Mauvaise raison, mais la seule. Jamais été attiré par le polar. A l'écrit, je veux dire. Le film noir, oui, j'en ai bouffé, la littérature de ce genre, non, pas vraiment, à part Westlake et une poignée de gus de ce genre. Je ne saurais l'expliquer. Peur certainement de me trouver enfermé dans une intrigue, avec les codes et manipulations qui s'imposent, les fausses pistes et les révélations explosives. J'ai toujours été à la recherche de récits truffés de digressions, avec le semblant de philosophie que ces dérives impliquent. Un voyage qui ne ressemble pas à une vie métro-boulot-dodo comme on disait avant internet. Un bouquin qui se fout des trames, à la fois proche de moi et qui m'éloigne d'une existence étriquée. 
Dans le foutoir de ma bibliothèque, traînent des dizaines de livres vierges de toute lecture, en suspens. Des trucs achetés, volés compulsivement, ou même offerts malencontreusement. Il doit y avoir quelques polars dans le lot. Et de quoi lire ou relire durant quelques années. Mais pas moyen de l'éviter, en prévision de la longue convalescence qui m'attend, malgré un boulot de lecture et préparation de traduction en cours, d'articles de commande à pondre à partir d'autres lectures, je chope des bouquins ici et là, conseillés par mon ami lyonnais, référencés de longue date dans un carnet, dans un coin de ce qui me reste de cervelle, ou dont la lecture fut induite par d'autres livres. Dans cette folle course de travers, je viens d'aquérir enfin les Chroniques cinéma de Manchette. Une version light chez Rivages noir, l'édition complète datant de 1997 étant présentement épuisée, comme je le suis pour me lancer dans une enquête à la Marlowe.
J'ai survolé la chose hier soir. Assez succincte. Dans sa dernière chronique, Manchette s'en prend aux journalistes qu'il traite de putes, adeptes du bavardage inepte, et avoue avoir toujours écrit ses textes avant d'avoir vu les films, parfois même sans les voir. Dans l'entretien qui clôt le recueil, publié par CinémAction en 1991, sentiment lapidaire sur le cinéma contemporain : 
Il est englouti par la machine économique. Il y a une histoire de l'art cinématographique qui s'est à peu près achevée avec Citizen Kane, et un peu prolongée dans des films marginaux et expérimentaux. Il y a eu des gens de goût, et intelligents, après Welles, dans l'industrie du cinéma, mais ils n'avaient plus grand-chose à inventer. Il y a encore quelques francs-tireurs dans l'industrie (Cassavetes a été le plus constant), mais il y a surtout une bouillie permanente. Le roman, d'ailleurs, après une histoire beaucoup plus longue, a sombré de la même façon. Si la majorité des gens continuent à regarder passivement la bouillie audiovisuelle et les historiettes imprimées, on va tous crever.
Nous sommes en 1991 ! Que dirait-il de la production actuelle ? De ces machins sortis par exemple aujourd'hui :


 bouillie grand public

ou

bouillie auteuriste


1991, tiens !, cette année-là, je commençais à écrire, un peu par hasard, sur le cinéma et son aspect économique. 
Autre petite coïncidence, ce matin, je trouve sur le très intéressant blogue de Charles Tatum un passage réjouissant du Journal de Manchette :
Lundi soir, nous avons vu à la télévision Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer. Ce serait une charge féroce de la sottise bourgeoise s'il n'apparaissait pas clairement que, de l'avis de l'auteur, les personnages sont non pas des sots, mais tout au contraire des êtres fins et subtils. C'est donc un film ridicule et abject dans l'exacte mesure où il se veut noble et grave, c'est-à-dire totalement.
Faut que je pense à demander à ma chirurgienne début août de supprimer également cette zone du cortex coupable de mon addiction livresque si je ne veux pas crever submergé, assoiffé, en manque permanent, ruiné, aveugle, muet... En attendant, va falloir dare-dare acquérir ce Journal de mon nouvel ami JP, voire me plonger dans ses polars




Autres temps, autres audaces, celle où un JT, certes local,
consacrait un sujet de 12 minutes à un écrivain, fut-il de polars...

1 commentaire:

  1. « Apres sa convalescense et qu'il fut en point pour aler et converser sur les rues, aucuns amis de costé et d'autre se approucherent de luy afin de trouver et faire bonne paix »
    Convalescence : période bénie où l’on vous fiche la paix.

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