dimanche 27 mars 2016

Un soir en Allemagne


Dimanche dernier, je vais à un concert de Didgeridoo à Wiesbaden. J'y vais seule car personne dans mon entourage n'aime cette musique. Pour moi, c'est une musique qui vient de la terre, l'écouter me connecte aux éléments, mais je sais que beaucoup de gens ne peuvent la supporter. C'est un soir de pluie. J'arrive sur place, un quartier perdu de la ville, je m'oriente avec le GPS de la voiture, je cherche le numéro de la rue. Il pleut vraiment des cordes et je ne trouve pas ce putain de numéro ! Je suis très en retard, sors de la voiture, trouve le numéro suivant, le précédent, mais pas celui que je cherche. Je suis trempée. Il y a là, devant moi, une petite maison, une bicoque en sale état. La porte est ouverte. Je me dis que c'est sûrement là, que ça va bien avec ce genre de soirée, un peu particulière, organisée par une association qui milite pour la promotion des musiques aborigènes.
J'entre et me retrouve dans une pièce très petite dans laquelle se tiennent des dizaines de personnes que j'identifie sans mal comme des réfugiés syriens. Je dis que je cherche la salle de concert et m'aperçois immédiatement de l'incongruité de ma présence. Une femme s'approche de moi, elle parle anglais. Elle me certifie qu'il n'y a pas de concert ici. Les hommes me regardent ébahis, comprennent ce que je suis venue chercher et dégainent tous leurs smartphones pour retrouver la salle. Ce n'est pas tout près. Les infos de mon GPS étaient on ne peut plus approximatives. On m'offre du thé pour me réchauffer, un mouchoir pour essuyer mes lunettes. Et un enfant m'apporte une sucrerie qu'il dépose dans ma main. Je lui dis merci et il repart sans rien dire. La femme lui explique qu'il faut remercier, dire Bitte shön. Il répète Bitte schön. Je lui redis Danke schön. Un autre enfant arrive alors avec une autre sucrerie. Et même cérémonie, Danke schön, Bitte schön. Bientôt, je me retrouve avec la main remplie de petites sucreries. Je dis que je vais y aller. Et là, la femme me dit Pas question, vous n'allez pas partir comme ça, une femme toute seule la nuit, sous la pluie, mon frère va vous accompagner. Le frère arrive, il trouve un parapluie et me voilà, avec ce jeune garçon, qui pourrait presque être mon fils, qui ne parle pas un mot d'allemand, un soir de pluie à Wiesbaden. On a marché longuement, il s'orientait avec son téléphone et on a trouvé facilement. Je l'ai remercié et suis entrée dans la salle. 
Tu sais quoi ? Je m'étais trompée de date. Je me suis énervée contre ma mémoire, pour ne pas avoir noté la date précise sur mon agenda. Mais j'ai repris la route sous la pluie et suis rentrée chez moi apaisée, me disant que cette erreur n'était pas dûe au hasard mais qu'elle m'avait permis de vivre ça. Et de pouvoir raconter cette histoire à tous ces gens effrayés par les monstrueux migrants depuis ce qu'il s'est passé le Jour de l'an à Cologne.

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