Bettmann/Getty Images |
Tu peux interroger sans cesse autour de toi
Interroger le ciel les platanes les ombres
Le monde est inavouable
Si tu rencontres un arbre
Si tu rencontres un homme
C'est un reflet que tu rencontres
Un reflet d'homme un reflet d'arbre
Mais jamais la réalité
Si tu regardes l'heure au cadran de l'horloge
C'est l'heure d'un autre siècle et d'une autre planète
Depuis ton premier jour
C'est toujours la première heure impassible et muette.
***
Je suis né comme on jette la pierre dans un puits
Pour compter les secondes de la vie à la mort
Je suis né pour crier sous le drap de la nuit
Je suis né agrippé au cri de ma naissance
Poussière de ma mère
Poussière de mon père
Je suis né du hasard et plus rien ne m'arrive
Que prolonger sans cesse à travers mon agoisse
Le spasme d'un instant qui ne fut pas le mien.
***
Je ne vois pas plus loin que l'immeuble d'en face
Et mon poème a peur d'une fenêtre ouverte
Pas plus loin que ce mur et ce masque de pierres
Et ce naufrage obscur dans le bleu des lessives
Je ne vois pas plus loin que le bout des nuages
Mon imagination travaille sur du gris
Ô mon poème triste à l'affût de la pluie
Pas plus loin que ce bloc de cailloux et de brumes
Et ce pénitencier de pigeons mécaniques
Ce recoin d'escalier où dort dans la poussière
Quelque royaume fou au blason de fleurs mortes
Je ne vois pas plus loin que l'immeuble d'en face
Et pourtant je sais bien que tout ne finit pas
Au bout de ce regard aveugle et taciturne
Je sais bien quand il faut ravaler ma salive
Que les vagues de la mer toutes les vagues de la mer
Me resteront bloquées à jamais sur ma gorge
Et le cri des volcans échoués aux antipodes
Et la rosée de l'aube et le feu des étoiles
Je ne vois pas plus loin que l'immeuble d'en face
Un pot de géraniums veille sur mon vertige
Pas plus loin que ce mur et ce fleuve de pierres
Dont la chute immobile m'invite au suicide.
Christian Bachelin, Neige exterminatrice,ed. Le Temps qu'il fait
Merci de
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