lundi 31 août 2020

Au nom de l'amour et de l'art


je suis devant ma machine à écrire
dans l'attente d'être bourré
ma copine qui fait des sculptures
voudrait en faire une de moi
à poil et bourré
une bouteille à la main
le bide à l'air, les couilles qui pendent, la queue
qui tutoie la moquette
et sur le
qui-vive,
vous savez, 
je suis honoré.
un jour je serai certainement mort
et ils regarderont ce machin en terre-glaise
(elle dit qu'il fera environ
5/8e de ma taille)
alors j'apparaîtrai dans toute ma splendeur
accroché à ma bouteille
LE POIVROT
rodin a fait Le Penseur
on aura maintenant LE POIVROT
elle rapplique avec le Polaroid
pour prendre des clichés
dès que j'ai l'air assez soûl,
j'arrête pas de lui dire,
tu sais, je vis ma vie rien que pour toi,
je devrais écrire une chanson là-dessus.

mais elle ne me croit pas.
pourtant elle devrait me croire.
je suis assis là
éclusant ce whisky et cette bière.
je ne sais pas combien de fois je devrai me 
soûler la gueule dans le but d'alimenter
son Art. Ça peut prendre un bon moment
pour finir cette sculpture et je veux vraiment qu'elle 
soit authentique.

j'espère que ce sacrifice restera 
longtemps dans les mémoires.
je lève à nouveau mon verre et le vide
au fond de ma gorge
seigneur, faut-il que j'aime cette femme !
elle a intérêt à pas rater cette bite.


Charles Bukowski, Sur l'alcool, éd. Au diable vauvert,
trad. Romain Monnery

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