mardi 25 août 2020

Allez, ouste !


savage eyes
— Merci.
— Comment ça, « Merci » ?
— Pour les orgasmes.
— Vous plaisantez ?
— Vous ne les avez pas sentis ?
— Sentis ?... Si, il me semble, mais...
— ...Ben, alors ?
— De là à remercier...
— Vous savez, c'est rare...
— D'avoir un orgasme ?
— Oui.
— N'exagérons rien.
— Je vous assure. Et plusieurs orgasmes, c'est d'autant plus rare...
— Ah bon..
— Surtout lorsqu'il s'agit de deux personnes qui baisent pour la première fois. En fait, j'ai même failli vous demander pardon...
— « Pardon » ?! Pourquoi donc ?
— Parce que je n'ai pensé qu'à mon plaisir.
— ...
— Vous ne pouvez pas savoir les mecs, d'habitude... Enfin, bref...
— Racontez...
— Ben, d'habitude, ils pensent davantage à eux qu'aux filles. Avec vous, j'ai senti que j'avais une ouverture, et décidé, égoïstement, de ne pas vous attendre, de jouir, seule, plusieurs fois même.
— Vous avez eu entièrement raison. Je n'y vois aucun inconvénient.
— Ne croyez pas ça, y'a des mecs que ça perturbe beaucoup.
— Ah oui ?
— Je peux vous certifier que ça peut en bloquer plus d'un...
— Parce que ça les détourne de leur objectif ?
— Ne rigolez pas, vous ne pouvez pas savoir...
— Les pauvres...
— Vous êtes toujours aussi performant ?

— Performant ?
— Oui, vous donnez toujours autant de plaisir aux filles ? Dès la première fois ?
— Je ne sais pas, vous me prenez au dépourvu. Je ne tiens pas de livre de comptes. 
— Vous ne devez plus vous sentir, là...
— Parce que vous m'avez exprimé de la reconaissance ?
— Oui, ne vous formalisez pas, c'est venu comme ça. C'était sincère, on n'en parle plus. Je suis comme ça, franche du collier comme on dit.
— Pas que du collier...
— Comment ça ?
— D'ailleurs aussi...
— Je ne comprends rien...
— Pas grave, ça n'a aucun intérêt. 
— Si, expliquez-moi.
— Je suppose que ça aussi, c'est rare, pour deux personnes qui couchent ensemble pour la première fois.
— « Qui couchent ensemble » ? Des années que je n'ai pas entendu une expression pareille. Qu'est-ce qui est rare ?
— Comprendre lorsque l'autre déconne, fait un peu d'humour...
— Moi, l'humour, c'est pas mon truc. Mais expliquez votre blague, je ne veux pas mourir idiote.
— Ni mal baisée, apparemment... Ecoutez, ça n'a vraiment aucun intérêt. Je ne m'en souviens déjà plus : une blague, ça ne s'explique pas. Vous saisissez sur le moment ou pas. 
— Ouais, y'a autre chose que j'ai envie de saisir !
— Oh là ! Ne me surestimez pas tout de même !
— Quoi ? Je ne vous excite plus ?
— Je n'ai plus 20 ans, tout simplement. Faut me laisser du temps...
— Pour quoi faire ?
— Récupérer.
— Je n'ai pas que ça à faire, moi. 
— Ah bon ?
— Faut que je dorme. Demain, je bosse et je me lève aux aurores...
— Vous êtes dans quoi ?

— La finance. Et vous ?
— Je suis demandeur d'emploi, comme on dit...
— Je vois... Bon...
— Nous pourrions passer la nuit ensemble, il est tard et j'ai peur de louper ma correspondance...
—Vous vous croyez où ? 
— Chez vous.
— Plus pour longtemps. Je fais pas dans l'humanitaire. Soit vous me baisez une dernière fois, et aussi bien que la première, soit, vous vous rhabillez et ciao bello.
— C'est vrai que pour être franche du collier, on peut dire que...
— ...Je ne voudrais pas avoir l'air de vous presser, papy, mais si vous souhaitez profiter une dernière fois de ce corps magnifique, gratuitement qui plus est, c'est maintenant ou jamais. Dans deux minutes, il sera trop tard...
— Vous pourriez m'aider un peu, me stimuler... 
— Oh, non, désolée, des queues, j'en ai avalées des dizaines ces derniers temps, j'ai eu ma dose. Ou vous me prenez ou vous prenez la porte. Vous voyez, moi aussi, je sais être drôle !
— Ne le prenez pas mal, je ne trouve pas ça très drôle. C'est plutôt même stressant. Je ne vais pas y arriver. Laissez-moi votre 06 et on se revoit la semaine prochaine.
— Pauvre minable, tu sais ce que je vais te laisser ? Un petit billet ! Y'a une station de taxi en bas, sur la place. S'il reste de la monnaie, tu pourras te payer une pute dans ton quartier une fois arrivé à destination, ou un bon repas demain midi, sans penser à moi... Allez, ouste ! Pauvre type!


Charles Brun, Perdu dans les spams




2 commentaires:

  1. Le plus triste dans cette histoire est la catégorie "d'après une histoire vraie".

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    1. J'ai bien peur, cher Julio, qu'il s'agisse d'une nouvelle facétie de CB... Un saludo !

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