Tu sais, il y a ce clip où on la voit sous l'eau, en sirène avec une robe de mariée. Je ne sais plus sur quelle chanson. De toute manière, quel que soit le morceau, ça me remue encore. Je ne peux pas l'écouter sans chair de poule. J'étais pourtant pas une ado. Sans cette histoire, je ne sais pas si ses chansons auraient produit le même effet. J'ai toujours aimé ce genre de musique. Cool. Je ne sais pas. Je sens encore ses mains sur moi.1991, je crois bien. Oui, c'est ça, 1991 puisque j'avais 38 ans. J'étais mariée depuis 14 ans. Jean-Charles était parfait, je n'avais rien à lui reprocher. Mais tu sais ce que c'est, j'imagine. Le quotidien, ça use. Fabrice avait déjà 9 ans. On avait passé le plus dur après sa maladie. Mais on était lessivés. Je ne sais pas si Jean-Charles a eu quelqu'un d'autre. Peut-être. Je ne me suis pas posé la question.Tous les matins, le soir, je voyais bien les dégâts en me maquillant ou en me démaquillant. Pas seulement dus à l'épreuve de la maladie de Fabrice. Le temps, ça n'épargne personne et les femmes en souffrent les premières. Quoi qu'on dise. C'est ça, la véritable épreuve. Lui, il m'a regardée différemment. Il avait quelques années de moins. Il était arrivé à peine depuis une semaine qu'on parlait déjà comme deux vieux copains. Je t'assure, je ne pensais pas autrement. J'avais une vie bien en place. Et puis, il savait m'écouter. Je ne suis pas quelqu'un qui aime s'épancher. Raconter ses malheurs. Mais avec lui, ce fut vite différent. Je lui racontais l'histoire de Fabrice. Ce que ça avait produit sur notre couple. Même si, je te dis, je n'avais rien à reprocher à mon mari.La première fois que j'ai menti, c'était pour aller au cinéma, tu vois, rien de méchant. J'ai d'ailleurs dit la vérité, que j'allais au cinéma ! Mais avec une copine. Après, on est allés boire un verre. Vite fait, parce qu'il fallait pas que je rentre trop tard, non plus. Tu sais, il y a toujours de la musique dans les cafés. Et une chanson de Sade passait au moment où il m'a embrassée. Un baiser volé. Rien de méchant. Il s'est excusé. J'étais surprise, j'en ai fait un peu trop je crois. En tous cas, ça ne correspondait pas du tout à ce que j'avais ressenti. En rentrant, je me suis enfermée dans la salle de bain et me suis lavé la bouche. J'avais l'impression d'avoir son parfum sur moi. J'ai mis toutes mes affaires au sale. Pris une douche. Et en me couchant, je sentais encore ses lèvres sur les miennes. Intenable. J'ai dû prendre un truc pour dormir.Jean-Charles ne s'est douté de rien, je crois. On s'est vite revus. Il m'a emmenée à l'hôtel, j'étais terrifiée. C'était pas terrible. Je pense que lui aussi, ça lui faisait peur. Il n'avait pas de femme dans sa vie. C'est ce qu'il m'avait dit. Mais quand même. Je pense que la clandestinité, si ça excite, ça fout aussi les jetons. Ça me touchait finalement, cette maladresse, ça me rassurait. Ce n'était pas un de ces séducteurs de femmes mariées. Je pense que c'est ce qui m'a fait tomber amoureuse. Mais la deuxième fois, on est allés chez lui. Il avait préparé le dîner, la musique, et il y avait plein de morceaux de Sade. Je ne sais pas si c'était en référence au premier baiser dans ce café. On n'en a jamais parlé. Et puis, on entendait beaucoup ses chansons, à l'époque. Et là, ce fut sublime. Je n'arrivais pas à quitter ses bras. Lui aussi me racontait sa vie. Mais je ne voulais pas trop en savoir. De peur de m'attacher complètement. Je pense qu'il l'a senti. J'insistais pour qu'il me prenne encore et encore. J'étais prête à tout. Très vite. Des choses que je n'avais jamais éprouvées auparavant. Que je n'avais jamais faites. Avec aucun homme. Ou alors, j'avais oublié... Ça a duré un peu plus de deux mois. On baisait deux à trois fois par semaine. Chez lui, à l'hôtel, même au bureau, le soir quand tout le monde était parti. Je crois que mes collègues se sont douté de quelque chose. Et Jean-Charles m'a carrément posé la question. J'ai tout nié. Mais je l'ai quitté. Je n'arrivais plus à mentir. Il voulait m'emmener en week-end, qu'on passe au moins une nuit ensemble. Qu'est-ce que j'aurais aimé ça... Mais je ne pouvais pas. Il n'a jamais fait d'histoire, n'a pas cherché à me rappeler. Et ça me le rendait encore plus présent. J'ai pensé quitter Jean-Charles, mais c'était de la folie. Même si je ne ressentais plus rien pour lui. J'ai morflé, j'ai eu une période où je buvais pas mal. Ça m'a aidée, je crois. Quelques années plus tard, Fabrice était déjà majeur, là aussi, j'ai voulu partir. Et puis, il y a eu cette attaque en vacances, tu sais. Il en est ressorti très affaibli, a perdu son boulot, je ne pouvais pas le laisser seul, lui faire affronter un divorce, ce genre de choses sordides. Et puis, pour aller où ? Avec qui ? On est habitués l'un à l'autre.
Une histoire très banale, certainement. On a renoncé à notre vie sexuelle. Ça ne me manque pas vraiment. En deux trois mois, j'ai été plus que comblée. Je sens encore ses mains sur moi, son sexe en moi, le feu au ventre. Je t'assure. Plus de vingt ans après. Les chansons de Sade, ça me fait ça. Je sais, c'est con à dire. Je n'aime pas trop ce qu'elle a fait après, je reste attachée à ses chansons des années 90. Je les écoute souvent. Au moins une fois par semaine. Le week-end, généralement. En faisant le ménage. Que je fais toute seule. Je ne veux pas que Jean-Charles m'aide. C'est mon domaine.
vendredi 6 janvier 2017
Une histoire banale
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Voilà une autre histoire banale. C'était la fin de de l'été 1984, au café "La Bonne Bière" (devenu tristement célèbre depuis les attentats de Paris en novembre 2015), le jukebox crachait un tube de l'année que j'appréciais: "Smooth Operator" de Sade. Je jouais au flipper avec un copain quand nous remarquions qu'une jeune fille,sosie de Sade, assise devant un café, seule, nous observait du coin de l'oeil. Mon copain, moins timide, s'approcha de sa table, gentiment elle l'écarta et vint à ma rencontre (tiens on dirait du Aragon) et me proposa de jouer au flipper...A cet instant, les objets, les lumières, les gens et tout l'environnement devinrent merveilleux. Aprés quelques jeux au billard "électrique" dont je n'ai plus le souvenir nous partîmes ensemble dans la nuit le long du Canal Saint Martin pour un long voyage à deux qui dure encore aujourd'hui...Chaque fois que nous entendons la voix de Sade, nous nous regardons en souriant et elle me dit "Tiens, ton amoureuse!"
RépondreSupprimerAh, l'époque bénie du juke-box… Bravo à vous deux !
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