– Tu vois, là, ce truc qui bouge tout seul dans mon maillot de bain, ce petit animal qui veut sortir de sa cage ? Ça s’appelle une trique.
– Oui, je connais.
– Tu dis que tu connais, moi je dirais plutôt que tu as connu. Nuance.
– Oui, je connais moins, ces derniers temps, j’admets.
– Eh bien ! figure-toi que si, toi, tu connais moins, moi je connais tout comme quand j’avais vingt ans, si tu vois ce que je veux dire.
– Si je comprends ton raisonnement, ta trique, elle aimerait bien de temps en temps aller voir un peu par là si j’y suis.
– Exactement. Et tu y es pas souvent.
– On va pas tourner autour du pot. Tu me désires, c’est ça ?
– Bingo ! Comme au premier jour, c’est pas beau ça ?
– Pourquoi tu me désires ? Je veux dire pourquoi moi ?
– Ben… parce que t’es ma femme, t’es là avec moi, en maillot de bain sur une plage…
– Y en a d’autres qui sont en maillot de bain, et qui sont plus jeunes et plus belles que moi, tu l’admets ?
– Oui, je vais être honnête, il y en a plein d’autres qui sont désirables.
– Alors pourquoi tu vas pas les voir pour leur dire que tu les désires ?
– Ben parce que t’es ma femme, je vais pas te tromper.
– Mais si j’étais pas là, t’irais les voir ?
– Ben, si j’avais le choix.
– Disons que t’as le choix.
– Alors j’irais.
– Tu m’aimes ?
– Pourquoi tu me demandes ça maintenant ? Tu le sais bien.
– Tu m’aimes ou tu me désires ?
– Mais enfin… les deux.
– Mais là, au moment où on se parle, tu me désires plus que tu m’aimes.
– Là, tout de suite, c’est vrai, je suis plus axé sur le désir, comme tu peux en juger par ce qui se passe dans mon maillot de bain.
– Oui oui, d’accord, mais tu me désires parce que tu m’aimes ? Ou tu m’aimes donc tu me désires ?
– Hein ?… Ben c’est pareil.
– Non c’est pas pareil, justement. Moi je voudrais savoir pourquoi tu me désires moi et pas la jeune fille en string bleu là-bas.
– Ben parce que… je… je sais pas… Parce que t’es ma femme.
– Donc c’est par habitude, ou par facilité.
– Mais non pourquoi tu dis ça ?
– Ma question c’est : qu’est-ce qui provoque ton désir ? Moi ou une pulsion sexuelle ?
– Mais je sais pas, c’est…
– Eh ben il faut savoir.
– …
– T’as trouvé ?
– Ben non. Tu m’embrouilles avec tes questions, c’est malin, maintenant je débande.
– Voilà. Ça va mieux ? Allez, lis ton livre, je l’ai lu, tu verras, c’est très bien.
David Thomas, On ne va pas se raconter d’histoires, Stock