Rollie McKenna |
M'aimer déchaussée
c'est aimer mes longues jambes brunes,
ces deux amours, aussi bonnes que des cuillères,
et mes pieds, ces deux enfants
sortis jouer nus. Bosses complexes,
mes orteils. Enfin libres.
Et quoi d'autre, voir les ongles et
les articulations préhensiles des jointures
et les dix montants, de souche en souche.
Tout animé et sauvage, ce petit
cochon s'est rendu au marché et cet autre s'en est resté.
De longues jambes brunes et de longs orteils bruns.
Plus haut, mon chéri, la femme
y convoque ses secrets, des petits abris,
petites langues qui te racontent.
Il n'y a personne d'autre que nous
dans ce nid sis sur une langue de terre.
La mer porte une clochette incrustée dans son nombril.
Et je suis ta nana aux pieds nus
pour une semaine entière. Tu aimes le salami ?
Non. Tu ne préférerais pas un scotch plutôt ?
Non. Tu ne bois pas d'alcool en fait. Mais moi
tu me bois. Les mouettes tuent des poissons
en hurlant comme des enfants de trois ans.
Les vagues, aux vertus soporifiques, crient
Je suis, je suis, je suis
toute la nuit durant. Pieds nus
je pianote sur ton dos de haut en bas.
Le matin je cours d'une porte à l'autre
de la cabane en jouant à chat perché.
Maintenant tu m'attrapes par les chevilles.
Tu remontes le long de mes jambes
et me transperces là où j'ai le plus faim.
Anne Sexton, Tu vis ou tu meurs, œuvres poétiques (1960-1969),
trad. Sabine Huynh,
éd. des femmes-Antoinette Fouque, 2022
Ça nous a évoqué ça : https://www.youtube.com/watch?v=ZKIWYddocpA
RépondreSupprimerSans doute, cher Julio, une question de filiation… On ne saurait jurer que par Rimbaud…
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