Dans mes écrits, tout est artificiel, c'est-à-dire que tous les personnages, les faits, les incidents se jouent sur une scène, et la scène est totalement plongée dans les ténèbres. Les personnages qui paraissent sur l'espace carré de la scène, sont mieux reconnaissables dans leurs contours que sous un éclairage normal, comme c'est le cas dans la prose ordinaire. Dans l'obscurité, tout devient clair. Pas seulement les apparitions, ce qui relève de l'image, non, la langue aussi. Il faut imaginer des pages totalement noires : le mot s'éclaire. De là sa netteté ou sa netteté redoublée. Je me suis servi dès le début de ce moyen artificiel. Lorsque l'on ouvre un de mes livres, il en va aussitôt ainsi : il faut imaginer qu'on est au théâtre, avec la première page, on lève un rideau, le titre apparaît, obscurité complète – et lentement, de ce fond, de cette obscurité, surgissent des mots qui se transforment en des processus de nature tant intérieure qu'extérieure, et qui, à raison même de leur caractère artificiel, deviennent tels avec une particulière netteté.
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