Le week-end dernier, une femme de 49 ans a été renversée par une voiture autonome de la firme Uber. Morte de ses blessures, elle traversait tout de même en dehors du passage piéton, a tenu à préciser l'entreprise déficitaire (2,8 milliards de pertes en 2016), mouillée dans les Paradise papers mais présente sur le smartphone de tout citoyen moderne. La start-up la plus chère au monde a suspendu les essais de ses véhicules du futur. Un bon point pour sa communication. Un bras d'honneur pour la famille de la victime. Après avoir contribué à dévaloriser le travail – des chauffeurs non professionnels et précaires –, la compagnie de la Siliconne vallée semble s'être lancée désormais dans sa mission ultime : éliminer l'humain.
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Autre boîte de la même vallée, autre fabricant de bagnoles, Tesla est une entreprise de l'économie post-libérale. Peu importe le nombre de véhicules électriques vendus ou la part de marché grattée par Tesla, l'essentiel est la performance boursière. Tout comme Uber, le groupe fondé en 2013 perd de l'argent (2 milliards par an, dit-on). Et s'il ne détient que 0,02 % de part du marché mondial de l'automobile, Tesla est tout de même valorisé à 35 milliards de dollars. L'entreprise s'est rendue célèbre grâce à sa voiture envoyé dans l'espace. Certes, le véhicule nous retombera sur la gueule et polluera un peu plus nos organismes et la planète sous forme de micro-déchets métalliques, mais c'est Tesla qui en a eu l'idée ! Comme on le sait, l'important aujourd'hui, c'est qu'on parle de vous, que vous fassiez le buzz, et donniez envie d'investir. Seule compte l'image de la firme – un peu comme en politique. Afin de lui déclarer leur amour, les actionnaires de Tesla viennent d'approuver une rémunération ahurissante de près de 56 milliards de dollars (45,3 milliards d'euros) pour Elon Musk. Seule condition pour le déjà millionnaire et jeune patron, faire de Tesla l'une des plus grosses entreprises par capitalisation boursière au monde, à l'instar de Google, Facebook et cie.
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Facebook justement. Le célèbre réseau social fondé par Zuckerberg se serait donc fait dépouiller des données d'une cinquantaine de millions d'utilisateurs (entourage compris)... Le coupable : une boîte de communication, Cambridge Analytica, qui s'est servi de ce fichier pour lancer une série de publicités ciblées durant la campagne de Donald Trump. Une faille dans le système, nous dit la start-up, qui ne se reproduira plus. Ce faux scandale surgit quelques semaines après les déclarations de deux repentis de la boîte, honteux d'avoir contribué à créer cette tarasque virtuelle. Mais malgré une chute spectaculaire du cours de Bourse – 58,4 milliards de dollars de capitalisation boursière seraient partis en fumée –, la situation semble se stabiliser. On respire. Sauf si l'on se souvient que le job premier de l'ami Zuck est la vente à d'autres entreprises, publicitaires essentiellement, des données personnelles que tout un chacun balance allégrement en ligne. Quand c'est gratuit, c'est vous le produit. On a beau le savoir, on ne saurait résister à l'ordre narcissique et marchand. Pas d'inquiétude outre mesure pour ces bienfaiteurs de l'humanité qui composent le conseil d'administration du réseau. Pour info, le cours de Bourse de Facebook a augmenté ces cinq dernières années de 495 %...
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« Nous sommes certains qu'il est à Madrid, mais où exactement, nous ne le savons pas... » Les organisateurs de la cérémonie ont tout essayé pour calmer le public venu assister à la remise de la médaille d'or du Cercle des Beaux-Arts au finlandais Aki Kaurismaki. Et c'est avec plus d'une demi-heure de retard que le cinéaste s'est finalement pointé, légèrement éméché. A propos de son dernier film, pas le plus réussi, De l'autre côté de l'espoir, le caustique Aki a avoué avoir, un temps, cru en l'Europe. Mais après avoir observé le traitement accordé par l'U.E. aux migrants, mouvement dont, dit-il, nous ne sommes qu'au début, Kaurismaki a affirmé avoir honte d'appartenir à cette Europe dont la seule logique est économique. Avant d'ajouter que jamais ce monde n'a compté autant de psychopathes et d'imbéciles au pouvoir. Le cinéaste, désormais résident portugais, a également regretté qu'aux Etats-Unis, la coutume d'assassiner le président semble s'être perdue. Il a insisté sur l'espoir, seul sentiment à même de soulever des montagnes. « Je n'ai aucun espoir ni dans ma vie ni dans mon cinéma. C'est pourquoi je reviens toujours à Ozu, Chaplin, Bresson, Buñuel, Buster Keaton, Raoul Walsh. Autant imiter les bons. C'est ce que je fais. Mais comme je suis dépourvu de talent, personne ne le remarque… Sans espoir, il reste les bars. Allons au bar ! » a-t-il marmonné pour conclure. On y va, Aki, on y va...
J'ai un trou : c'est de qui "quand c'est gratuit, c'est vous le produit" cher inconsolable ?
RépondreSupprimerJe dirais même plus : Si vous êtes le produit, alors ce n'est pas gratuit (https://www.laquadrature.net/fr/si-vous-etes-le-produit)
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