L'auteur de son infortune
Car le monde est le monde.
Et il n'écrit pas d'histoires
qui se terminent dans l'amour.
– Stephen Spender
Je ne suis pas celui qu'elle prétend. Maisil y a une part de vrai : le passé estdistant, une côte qui s'éloigne à l'horizon,et nous sommes tous dans le même bateau,un rideau de pluie couvrant les couloirs maritimes.N'empêche, je voudrais qu'elle ne continue pasde dire ces trucs-là sur mon compte !A la longue,seul l'espoir vous retient encore, puislui-même relâche sa prise.Il n'y a jamais assez de rientant que nous vivons. Mais par intervallesune douceur survient et, si on lui laisse sa chance,s'impose. Il est vrai que je suis heureux à présent.Et ce serait pas mal qu'ellepuisse tenir sa langue. Cesserde me haïr parce que je suis heureux.De me rendre coupable de la vie qu'elle a. J'ai peurqu'elle me confonde dans son espritavec un autre. Un jeune hommesans caractère, vivant de rêves,qui jurait de l'aimer toujours.Qui lui avait offert une bague, et un bracelet.Qui disait, Viens avec moi. Tu peux me faire confiance.Des trucs de cet ordre-là. Ce n'est pas moi.Elle me prend, comme j'ai dit,pour un autre.
Raymond Carver, Poésie,
trad. Jacqueline Huet, Jean-Pierre Carasso et Emmanuel Moses,
éd. L'olivier, 2015
l'élégance concise qui vous peint une vie à 2 ratée. Eblouissant!
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