Je trouve au pied de mon lit, parmi les dizaines de livres qui s'accumulent, Droit de cité, ouvrage du visionnaire Louis Calaferte, publié en 1992, deux ans avant sa disparition, dans lequel on peut lire ce genre de réflexions.
Qu'en tous les domaines, la médiocrité gagne du terrain, voilà qui, dans nos groupes, ne fait aujourd'hui aucun doute.Se produit ceci : la poussée est si forte que ceux qui auraient tout lieu de s'en offusquer, au contraire pactisent avec elle par une sorte d'indulgence méprisante, ou par le silence qui se voudrait supérieur ; mais ce sont là des attitudes de vaincus, qui servent la progression du mal, lui aplanissant le chemin.Quitte à passer pour un utopiste, il ne faut pas cesser de s'indigner, de protester, de crier haut et fort que le roi est nu. Les cloportes savent d'instinct s'infiltrer dans la moindre faille de l'édifice ; leur objectif étant son effritement, sa ruine, sur laquelle ils triomphent.Il ne faut pas cesser de les identifier, ni de dire que ce sont des cloportes, non des oiseaux de haut vol, comme leur puissante confrérie tente de le faire accroire à une multitude mal informée.Voilà qui vaut aussi bien pour les arts que pour la politique – au reste, il est à présent fréquent d'assister à leur amalgame dans une espèce de bouillon de culture qu'on dirait concocté par des diablotins.La géniale formule de Shakespeare à propos du pourrissement du royaume –bien entendu, il s'agit également du royaume intérieur de chacun de nous– prend en l'occurrence toute sa valeur.Quant à prétendre que le sens de l'Histoire nous conduit irrésistiblement vers les dominations de masse, voilà qui ne sera démontré que dans le siècle à venir. Nous sommes dans un système où l'équilibre ne perd que passagèrement ses droits, ce dont il convient de se souvenir, car, quoi qu'il advienne, un homme en vaudra toujours trente mille.Massification, entraînant la pesanteur des facteurs économiques. Impératif conduisant immanquablement à :– la banalisation du médiocre– la légitimation du médiocre– la glorification du médiocreJournaux, télévision, théâtre, cinéma, chanson, roman, alimentation, hôtellerie, mode vestimentaire et, par voie de conséquence, relations humaines – rien n'échappe à la pression dont, plus ou moins directement, des quantités de personnes retirent bénéfice.Se pourrait-il qu'un beau matin, on entendit parler de facteurs spirituels ?Ou le siècle à venir sera celui du refus, ou il ne sera qu'espace carcéral.
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