vendredi 27 décembre 2024

Vous permettez…

David Pattinson



« C'est moi. Je passais dans le coin.
Tu m'offres un café ? »
« Je suis pas mal occupé. »
« Pas grave. Tu continues
ce que tu faisais et moi, je raconte
mes histoires
à ta femme. »
Ah ah ah.
Très drôle.
Et sans
vous en rendre compte
vous voilà de nouveau
dans la merde.
« OK, monte.
J'avais justement besoin
de souffler cinq minutes. »

Ce manque d'éducation
le plus élémentaire
m'a sans cesse
laissé sans défense.
Le fameux
« Vous permettez... »
Ils vous le soumettent
avec la même délicatesse
qu'un revolver
planté dans les côtes.
Pardon.
Vous permettez ?
Je peux ?
Je dérange ?
Ça ne t'ennuie pas ?
Pas du tout.
Comment ça pourrait m'ennuyer ?
Et vous ouvrez la porte.
Et ils rentrent chez vous.
Et ils avalent votre repas.
Et ils fument votre tabac.
Et ils boivent
votre café.
Et s'ils ne baisent
pas votre femme
et n'emmerdent pas
votre chien
ce n'est que
le fruit du hasard.
Deux heures plus tard
ils se lèvent
s'essuient la bouche
qui ne manque pas d'air
et se grattent
le cul,
rôtent,
allument une clope,
mettent votre briquet
dans leur poche,
vous filent
une tape dans le dos.
et repartent.
En sifflant
aussi gaiement
que le type qui sort
de chez le barbier.
Et vous, vous restez là
époustouflé
défait
en pleine tourmente
et vous pensez à leurs mères
et à la vôtre.
Putain comment
est-ce possible
que parmi toutes ces choses
inutiles
qu'elle vous a montrées
elle n'ait pas pensé
à vous apprendre
la chose la plus élementaire :
comment
dire
non,
bordel.

 

          
  Roger Wolfe, in Mensajes en botellas rotas
trad. maison


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