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Siegfried Herbst |
une table m'attend
dans le renfoncement
dos à l'ancienne cabine des ptt
l'ardoise a opté pour le frantuguês
pour rire
je demande à quoi ressemble une morue à bras
la fille prend son air le plus sérieux
pour décrire la recette lisboète
et file en cuisine avec mon okje me fouille encore à la recherche
du livre perdu
il fera un heureux
s'il existe dans le coin
un amateur de ce poète
le plat à peine posé devant moi
la peur d'avoir soif tout l'après-midi me saisitles discussions au comptoir
et le coup de feu
couvrent l'attentat en boucle
personne ne regarde les images
personne ne s'attriste
tous ont leur avis sur la question
les fêtes sans cadeaux
solitaires et sans joie
le nouveau gouvernement
tous refusent l'effroicomme ces vieillards face au bar
aperçus de trois quart
la femme aux lunettes noires à la godard
absente
et son compagnon
chaussettes dans les sandales
deux béquilles posées sur ses cannes
fatiguées par les années de chantiers
pas un mot aujourd'hui
et mon plat qui refroiditpersonne ne lève les yeux vers l'écran je crois
quand passe la gueule compassée du chef d'état
devant micros et caméras
promettant de faire toute la lumière
sur cette affaire
et le bandeau annonçant cinq morts
et je ne sais combien de blessés
personne ne lève les yeux je crois
quand passent les passants épleurés déposant
des gerbes à leurs pieds
à même le trottoir
l'info en boucle
continue
nous assure désormais que cette ville
restera un lieu de commémoration
dans l’histoire du pays
la haine ne doit pas nuire à notre vivre-ensemble
elle ne doit pas s’ajouter à l’horreur
nous resterons soudés
tous les footballeurs porteront ce soir
un brassard noir
pas d'autres infos
et déjà l'heure du chagrin
fini chido et l'île sans eau
les hommes sans toit
le président sa chemise sa bêtise
sans foi ni loi
dernières bouchées
avant de régler — une morue ? 12 euros.
et entendre me souhaiter
joyeuses fêtes.
charles brun, à l'année prochaine si tout va mal
J'ai beaucoup d'admiration pour vos écrits intimes, comme celui-ci, tout embués de mélancolie, du dégoût vague de vivre, de cette fatigue fade et quotidienne, de cette vieille douleur, monotone et familière.
RépondreSupprimerIl semblerait qu'aujourd'hui plus personne ne lise de poésie. Vous si. Et cela s'entend dans vos écrits.
Je pense quelquefois à l'un de vos anciens textes. Vous écriviez votre solitude dans une maison isolée, humide et sombre. C'était l'hiver, je crois, et une petite chatte venait, le soir, vous tenir compagnie. Durant cette période, elle était votre seule amie. Je me souviens de sa disparition et de votre détresse, très sobrement évoquée, secrète, comme ces nombreux petits deuils intimes dont le monde vulgaire se fiche.
J'aimerais le relire. Ne pensez-vous jamais à publier un jour un recueil ? Même en auto-édition. Ce serait chouette. :-)
Avec amitié,
Max.
allons, allons…
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