Jean Moral
Ce qui est beau, ce qui élève,
Ce n'est pas la célébrité.
Il ne faut pas ouvrir d'archives
Ou trembler sur de vieux papiers.
Créer veut le don de soi-même.
Non le tapage ou le renom.
Honte à qui n'est rien par lui-même
D'être connu comme un dicton.
Vis donc sans supporter de place
Mais de manière à, pour finir,
Attirer l'amour de l'espace,
Entendre appeler l'avenir.
Et s'il faut laisser des lacunes,
Que ce ne soit dans tes papiers,
Mais en sacrifiant quelques-unes
Des pages de ta destinée.Il faut te plonger dans l'oubli
Pour y dissimuler ta route
Comme un site dans les replis
Du brouillard quand on n'y voit goutte.
D'autres, selon ta trace fraîche,
Suivront ta route, pas à pas.
Mais entre victoire et défaite,
Le départ ne t'appartient pas.
Et tu dois garder ton visage,
Ne pas t'en écarter un brin
Être vivant, pas davantage,
Vivant, c'est tout, jusqu'à la fin.
Boris Pasternak, in Ma sœur la vie
trad. Hélène Henry, Poésie/Gallimard
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