mercredi 10 novembre 2021

Eperdument

 


C'est parce qu'il est subjugué par le film d'Agnès Varda – et par son interprète féminine– que René Fallet, Prix du roman populiste pour sa trilogie de débutant, et qui était autre chose que le pote de Brassens, baptise son journal intime, Journal de 5 à 7.  Pages restées, comment est-ce possible?, inédites. Les éditions des Equateurs parent à cette incongruité et il y a de quoi se régaler.  



Lu L'Épopée de la revolte, paru chez Denoël. La chanson de gestes de l'anarchie. Le communisme a tué l'anarchie. Il y a du bourgeois et du pire dans le communisme, et c'est sa séduction. L'anarchie ne disait pas : « Un jour, vous serez comme eux.» Le communisme le dit, et les foules battent des mains. Figures de Vaillant, de Henry, de Jacob ? Tout cela ne reviendra-t-il jamais plus? Pour un flic mort, hélas, s'en dressent 10 000 bien en vie. Et les concierges délateurs de 71 ont eu beaucoup d'enfants. La doctrine anar, sans la violence, est un jeu stérile, une vue quelconque et basse de l'esprit. 

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Jadis, je parlais, et pour cause, la langue exacte du peuple. Je puis encore me faire comprendre, mais j'ai perdu l'accent, et je passe pour un étranger. Cela me cause une petite peine, car, dans le 16e, on me prend quand même et toujours pour le plombier.  

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Gide, sa pitié. S'il venait d'où je viens, il n'aurait pas cette compassion de bourgeois pour le pauvre. Car moi, je les connais, j'en suis. On ne se lave jamais de la pauvreté. Sa tache laisse loin derrière elle le sang de Lady Macbeth. Je n'ai de pitié que pour les chats, les chiens. La politique est l'aristocratie des escrocs au sentiment. Je n'ai jamais voté. Masse de michetons éternels tenus en laisse par une poignée de macs !

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Une seule chose, si rare hélas, m'aura réellement passionné sur terre : rire, éperdument, rire.  

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Ci-gît René Fallet qui se trompa de siècle

Et ne fut pas foutu de trouver rime en « iècle ». 

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Dans un cimetière normand, j'ai vu la tombe de MODESTE GORGE.

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L'épitaphe de Georges par lui-même :
Ci-gît Georges Brassens qui vécut à Saint-Maur
Et devint immortel en parlant de la mort.

Il précise : « Astérique, après Saint-Maur, car je n'y ai jamais mis les pieds. »

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Pour une vraie solitude, il faut être deux. 

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Les chiens ne sont jamais là quand on veut leur jeter un os. 

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Je pense ma vie sentimentale achevée. Je ne fais plus de bicyclette, que j'ai tant aimée.

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Avec la fermeture des bordels, ce banc d'essai, l'érotisme a fait un irréparable pas en arrière. 

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« Populiste », il me faudra toute ma vie prendre le métro pour ne pas être coupé de mes sources d'inspiration. Serai-je toute ma vie le chantre inégalé des pieds sales et des gueules de con ?

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Ces généraux, ministres, curés, papes, me font l'effet d'irrésistibles anachronismes. J'en suis à me demander pourquoi personne ne rigole en les voyant. Vrai, cette civilisation passera sans avoir connu la civilisation. La petite lumière de l'anarchie n'aura vécu que le temps d'une bougie.

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Ma peur de la mort s'éloigne. Ma peur de la vie grossit.

 

 

 

3 commentaires:

  1. Je suis tombé sur cette pépite aujourd'hui même, quelques heures avant de tomber sur ton article !

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  2. Magnifique trouvaille, l'ami. Merci. Je m'y rue.

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    1. Magnifique trouvaille et pépite due à Agathe Fallet qui signe d'ailleurs un petit texte (amoureux) sur Brassens aux mêmes éditions... Portez-vous bien les amis.

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