J'apprends ce matin que la librairie Gibert de Vaulx-en-Velin vient d'être placée en redressement judiciaire, avec un déficit de 598 000 €. Errant hier à l'une des adresses parisiennes du groupe, j'ai été
frappé par les prix bien peu modérés de leurs bouquins d'occasion. J'ignore s'il faut établir une corrélation entre ces deux érections.
Toujours est-il qu'en déambulant rayon poésie, je suis tombé sur cette ancienne édition de poche des Rois mages de Frénaud.
A l'intérieur, entre deux poèmes, cette sorte de mot d'excuse pour justifier un manque de dédicace, l'auteur s'étant prétendument absenté de la capitale…

Cette édition date de 1987. On peut aisément imaginer qu'André Frénaud, s'absentant définitivement six ans plus tard, ou son attaché de presse, se livrait à ce type de facétie afin de se débarrasser de certains fâcheux – collègues, journalistes, vagues connaissances…
La carte se trouve à la jonction de la page 66 et de sa voisine, la 67. Elle y restera. Le premier poème est intitulé "Réveil", le second, "La création de soi".
Le sein, émouvant d'être celé
– Ne découvre pas la dormeuse !
Quand les éponges du sommeil ont dégorgé
tous leurs vers, puis les ont rapatriés
dans les cages de la cervelle,
cire marine des abeilles de nuit,
le grondement s'arrête au cri du réveille-matin.
Elle apparaît ornée de si doux rivages.
– Esssuie ton crâne après rêver.
Après boire, c'est l'apothéose !
***
Mes bêtes de la nuit qui venaient boire à la surface,
j'en ai harponné qui fuyaient
je les ai conduites à la maison.
Vous êtes ma chair et mon sang.
Je vous appelle par votre nom, le mien.
Je mange le miel qui fut venin.
J'en ferai commerce et discours si je veux.
Et je sais que je n'épuiserai pas vos dons,
vermine habile à me cribler de flèches.