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Ara Güler |
C'est à moi,
qui ne suis pas mineur
comme mon père
et ne porte pas le labeur du jour
sur mes épaules,
qu'au village on donne tort,
et les ivrognes bredouillants de l'auberge gueulent
et dégueulent leurs reproches : Quoi, des vers !
Un seul ne suffit pas,
et cent, tressés ensemble, ne feraient pas une corde capable
seulement d'attacher une poule.
A quoi bon, le beau rythme d'une phrase digne de tes maîtres,
et qui veut du vers boiteux que tu débites,
pauvre fou, bois de la bière,
qu'elle t'humecte la lèvre et te vale une femme dans ton lit,
et que des enfants soient le fruit du rythme de tes reins,
nous en avons cinq ou sept, on est des hommes,
bougre d'âne !Quoi : un pommier en fleurs !
Se pâmer devant et en dégoiser !
Toi qui ne possèdes pas un brin d'herbe,
pas une branche de noisetier.
Quasi obligé de glaner quelques pauvres noix,
l'automne venu. Fainéant !Pour se torcher le cul
sur lequel tu écris,
ferait mieux l'affaire.
Quand, aux frais de la commune,
ton cadavre ira au cimetière
on ne s'époumenera plus
à prononcer ton nom !Ô seigneur, je suis pauvre.
Les ivrognes disent la vérité,
car elle n'est pas seulement dans le vin,
mais aussi dans sa sœur,
la bière,
en plus dure.
Les psalmistes aussi écrivaient des vers
et ne semaient pas de graine,
aïe pitié.
Johannes Kühn, Moi qui ne possède rien... célébrant le papillon,
trad. Joël Vincent,
éd. Ressouvenances, 2025