En 1928, Emmanuel Bove est sur le point d'en finir avec une existence jusqu'ici passée dans une extrême précarité malgré un travail d'écriture acharné. Il vient de rencontrer Louise Ottensooser, fille d'une famille de banquiers qui l'introduit dans les milieux artistiques et mondains. Le roman La Coalition remporte le Prix Figuière, doté de 50 000 francs, une belle somme. Cette année-là, Bove fait paraître pas moins de six romans et recueils de nouvelles. En 1930, Bove divorce de sa première épouse dont il est séparé depuis cinq ans et épouse Louise. Les jeunes mariés s'installent à Londres. L'enfant que porte Louise meurt à la naissance. La famille Ottensooser, ruinée par la crise de 1929, tout, pour l'auteur de Mes Amis, redeviendra comme avant.
J'avoue qu'ici mon trouble est un peu celui de l'acteur qui, oubliant tout à coup son rôle, est obligé d'inventer des répliques ou de s'excuser tant bien que mal auprès des spectateurs. Ce que me demande Lucien Kra est au-dessus de mes forces, pour mille raisons dont la première est une pudeur qui m'empêche de parler de moi. Tout ce que je dirais serait d'ailleurs faux. Il y aurait bien ma date de naissance qui serait exacte. Encore faudrait-il que l'humeur du moment ne me poussât pas à me rajeunir ou à me vieillir. Qui saurait d'ailleurs résister au plaisir d'emplir sa biographie d'événements, de pensées basses, d'envie d'écrire à l'âge de huit ans, de jeunesse incomprise, d'études très brillantes ou très médiocres, de tentatives de suicide, d'actions d'éclat à la guerre, d'une blessure mortelle dont on a réchappé, d'une condamnation à mort dans un camp de prisonniers et de la grâce arrivant la veille de l'exécution. Le plus sage, je crois, est de ne pas commencer.
Carnet de l'auteur-Biographie,
texte rédigé par Emmanuel Bove à la demande de son éditeur,
devant servir de notice biographique à la première édition
du roman Un soir chez Blutel (1927), et déjà cité sur ce blogue.
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