mardi 22 septembre 2020

D'excellentes pâtes



 

Voici un nouveau grief que j’ai à formuler contre John Barleycorn. C’est de ces excellentes pâtes qu’il s’emparede ces hommes qui ont de l’estomac, de la noblesse, de la chaleur et le meilleur des faiblesses humaines. John Barleycorn éteint leur flamme, détrempe leur agilité, et quand il ne les tue pas ou ne les rend pas fous tout de suite, il en fait des êtres lourds et grossiers, en tordant et déformant leur bonté originelle et la finesse de leur nature.
Oh 
!
je parle maintenant d’après l’expérience acquise par la suiteque le Ciel me garde de la plupart des hommes ordinaires, de ceux qu’on ne peut ranger dans la série des bons garçons, ceux dont le cœur et la tête restent froids, qui ne fument, ne boivent ni ne jurent; ils sont bons à tout sauf à montrer du courage, du ressentiment, du mordant, parce que leurs fibres débiles n’ont jamais ressenti cet aiguillon de la vie qui vous fait sortir de vous-même et vous pousse aux actes de folie et d’audace.
Ceux-là, on ne les rencontre pas dans les bars,
on ne les voit pas se rallier à des causes perdues, ni s’enflammer sur les chemins de l’aventure, ni aimer éperdument comme les amants élus de Dieu. Ils sont trop occupés à se tenir les pieds au sec, à ménager la régularité de leur pouls et à affubler de succès mondains leur esprit médiocre.

 

Jack London, John Barleycorn,
Le Cabaret de la dernière chance
,
trad. Louis Postif, ed. Libretto


 

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