mercredi 29 juillet 2020

Ce n'est que justice




La réalisation de Mésaventures et décomposition de la Compagnie de la danse de mort (LES DANSEURS ou MESAVENTURES, dans le Journal de Jean-Patrick Manchette, c'est selon) a été éprouvante, voire catastrophique. JPM a soigneusement évité de passer sur le tournage du film finalement signé en solo par Jean-Pierre Bastid. 
Le lundi 19 avril 1971, JPM note :
Vision du bout-à-bout des DANSEURS — infect. Tout est mauvais, notamment les comédiens et le travail de Jean-Pierre. Il en résulte un film qui dit le contraire de ce que je voulais dire.
Puis, jeudi 22 :
Dans LES DANSEURS de Jean-Pierre, comédiens et techniciens sont mauvais parce que mal dirigés. Tout est pris à contresens. Le texte, qui était soigneusement organisé, rythmé et pesé, a servi de case, en fin de compte, à une improvisation. Dans telle scène qui, par extraordinaire, se passait bien parce qu'elle était facile (la scène de vaudeville entre Igor et Mme Labeuve), tout est cassé dès le second plan par l'introduction d'une fille allongée sans motif sur le manteau de la cheminée et qui déclare un « communiqué » d'inspiration « situationniste ».
Bref, tout a été fait systématiquement pour rendre plus mauvais tout ce qui était possible de détruire. LES DANSEURS est devenu une gaminerie.
Et le samedi 29 mai :
J'ai confirmé mon intention de ne pas signer LES DANSEURS, ce qui provoque des masques chez l'ennemi.
Le film ne sortira jamais en salles. 1971, c'est aussi pour JPM l'année de la parution des deux premiers Série noire, L'Affaire N'Gustro et Laissez bronzer les cadavres ! Ces deux romans sont, à l'origine, des projets de scénario initiés par les deux complices, puis transformés en SN. Seul le deuxième sera co-signé par Bastid. 
Le lundi 14 juin, JPM note :
Nous sommes rentrés de Berneval le mercredi de la semaine dernière, en cassant un pare-brise en route.
Le soir même, fatigué, dîner avec Bastid. Jean-Pierre était fort excité par la possibilité en quoi il croit de se faire produire LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES ! par Guibert et de le réaliser. Jean-Pierre s'est montré excessivement désagréable. Comme je le revoyais en fin de soirée pour tirer les choses au clair, il a dit en substance que je l'avais refait de N'GUSTRO, que je l'avais trahi sur MESAVENTURES à deux reprises — en ne venant pas sur le tournage ; en refusant en termes révoltants de signer — Il a menacé de me tuer, comme il dit, notamment si je l'empêche de faire N'GUSTRO
Très irrité par ce comportement d'aigri, j'en ai soupé de Jean-Pierre.
(...) Je suis écœuré mais non surpris. Il a tort pour lui. Il se dessert. En étant bien poli, il aurait pu espérer profiter encore un peu de nos bonnes relations et de mon talent commercial. De quoi vivra-t-il dans six mois ? Je lui souhaite bien du plaisir.
Ça fait du chemin parcouru. Il y a un an, j'étais raide et je tannais Rénova pour qu'ils me paient les malheureux cent sacs qu'ils me devaient. Et à présent, j'ai des belles critiques dans les gazettes et une brique et demie devant moi.
Ce n'est que justice.

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