jeudi 18 juin 2020

L'info à nous dévoilée

Franco Fontana

Pris dans les affres de la préparation de l'évacuation de la maison, ils m'ont rappelé ce matin que j'étais légèrement largué des affaires, pas des miennes, j'essaie justement et volontairement d'en larguer, les affaires des autres, de nous tous. Le druide marseillais Raoult étant pourtant le premier sujet abordé, j'ai pensé que je n'avais rien loupé, qu'on en était encore à ces querelles d'egos et d'influences, toujours sur le dos des malades-spectateurs dont on se foutait parfaitement. Ce genre de réflexion rapide de sous-bois. Le fait que l'un de mes deux comparses fut médecin ne m'avait pas plus éclairé sur la question. C'est lorsqu'ils ont évoqué les Tchétchènes de Dijon puis la banderolle de génération identitaire que j'ai réalisé avoir quelques flux d'infos de retard… Bien qu'ayant miraculeusement survécu à cet isolement, j'ai décidé ce midi, en croquant un morceau, sans approfondir pour le moment, car je n'en ai pas le temps, de faire un peu de surfing sur la toile. Et de prendre des notes, pour plus tard.
Sur le site du Parisien, il était question du fils d'une victime de la Covid 19 ayant reçu une facture de l'hosto : 7000 euros à régler pour ce chauffeur de bus assez dérouté. Une rondelette somme correspondant à dix jours de prise en charge dans le service de réanimation de l’hôpital parisien de Saint-Louis. Je n'en saurai pas plus car l'article est réservé aux abonnés. De toute manière, je n'ai pas le temps de m'intéresser aux déboires des autres. Sur la même page, j'apprends que le baclocur vient d'être suspendu. Qu'a-t-il fait ? Un tacle par derrière devant les yeux de l'arbitre et les caméras de la Var ? Le chapô me remet sur le droit chemin en m'indiquant qu'il s'agit d'une molécule controversée, utilisée dans un médicament contre l'alcoolisme. Mis en vente depuis lundi dernier, cette dragée miracle « représentait un espoir pour les 3 millions de Français qui souffrent d’addiction à la boisson, mais la justice a ordonné l’arrêt des ventes ». J'ai immédiatement compris que l'avantage d'être déconnecté m'évitait bien des désillusions. De toute manière, tant que je demeurerai dans cette maison, arrêter de boire, hors de question !
Avant de quitter le journal de ce cher, très cher Bernard Arnault, j'aperçois une brève qui me laisse coi : La Jaguar de Boris Johnson évite un manifestant et finit emboutie. Les effets secondaires du virus ? Je clique à regret. Un manifestant kurde se serait élancé sur la chaussée lorsque le cortège du rouquin s'annonçait. Une vidéo accompagne l'article. On y voit une voiture grise roulant à 10 km/h freiner à peine et sentir son derrière touché par la grosse berline noire qui la suivait. La procession reprend vite son allure nullement perturbée par l'incident. Je pensais voir la tronche de Boris passer à travers le pare-brise comme dans un film de Scorsese. Rien. Aucun intérêt. Mais les images (banales) existent, concernent une "célébrité", il y aura donc info. 
J'imagine cependant que la nouvelle du jour chez nous réside en une énième commémoration, en l'occurrence celle des 80 ans de l'appel du 18 juin. La concurrence entre petits tartufes désirant reprendre une prétendue hauteur à bon compte promet d'être des plus risibles. Tandis que l'un, le manche au derche, restera droit et grave aux Invalides puis à Londres, l'héritière de la vieille figure d'un parti fondé par des néo-nazis et d'anciens collabos a dû avancer d'un jour la représentation express de son cirque patriote, sous les huées des habitants d'une île bretonne. Parfait. Passons.
Sans trop d'espoir, je zappe sur le journal du groupe Dassault. Pour apprendre que le 18 juin fut un appel contre le renoncement. C'est effectivement ce qui est le plus inquiétant. Ils ne renonceront jamais… Plus bas, beaucoup plus bas, un nom attire mon attention, perdu dans un titre qui m'échappe : Pas détruite du tout par l'affaire Griveaux, Alexandra de Taddeo écrit sur le féminisme. Ah oui, d'accord, je ressitue. Place au chapô : La jeune femme s'est exprimée dans les colonnes de Libération, le 17 juin 2020. Elle revient sur l'affaire Griveaux, son histoire avec Piotr Pavlenski, et travaille sur deux livres exposant sa vision du féminisme.  Tiens… L'article qui suit pourrait m'occuper tout l'après-midi tellement il est long et dense de vacuité. Et plein d'humour de droite. Le premier paragraphe est fait de ce genre de phrases : « l'étudiante de 29 ans revient sur sa vie depuis les évènements qui ont poussé Benjamin Griveaux à se retirer de la course à la Mairie de Paris. Hypercontente de cette affaire, la jeune femme ne semble pas avoir été ébranlée par ses conséquences médiatiques : J'ai eu une minute de célébrité, même pas un quart d'heure. Et ajoute plus loin : Ma vie n'est pas détruite du tout ». Sa vie, poursuit ce journal qui ressemble de plus en plus au Gorafi, « Alexandra de Taddeo la passe toujours loin de son compagnon, l'activiste russe Piotr Pavlenski, que la justice lui interdit de voir. Mais leur passion reste intacte : La distance nous rapproche énormément, déclare-t-elle. C'est Roméo et Juliette, nous deux contre les autres. Après avoir été confinée chez ses parents en Bourgogne, Alexandra Taddeo est de retour à Paris. Elle risque toujours deux ans d'emprisonnement et 60.000 euros d'amende. » Je vous laisse, chers inconsolés, découvrir tous seuls la suite de ce palpitant roman-photo porno-gaucho des réseaux. J'avais justement appris, au cours de ma promenade de ce matin, que le co-fondateur d'En Marche, venait de récupérer son poste de député et se voir confier une mission autour de la Base industrielle et technologique de défense, dite la BITD, nos dirigeants étant pourvus comme on le sait de beaucoup d'humour et de bien peu de vergogne.
De son côté, mais est-ce vraiment un autre ?, le titre de l'exilé fiscal Patrick Drahi nous invite à regarder le racisme en face. Libération, digne héritier de l'almanach Vermot, me manquait. A la veille de la deuxième vague annoncée – faut continuer à nous foutre la trouille –, nous y apprendrons également que les responsables de la santé avaient hier fait dans leur froc devant la commission d’enquête parlementaire sur la Covid-19. Oui, un dispositif terrifiant semblable à la fameuse commission mise en place lors de l'affaire Benalla. Avec les effets que l'on sait. Nous serons donc supris de lire que Jérôme Salomon, directeur général de la santé, et Geneviève Chêne, directrice de l’agence Santé publique France, ont botté en touche lorsque fut abordée sans détour ni pitié l'éventuelle pénurie de masques en pleine pandémie. Il faut dire que la question était ardue : Comment la France est-elle passée en quelques années d’un stock d’un milliard de masques chirurgicaux à seulement quelques dizaines de millions au début de l’épidémie ? Vous avez quatre heures. Durant lesquelles, le pauvre haut fonctionnaire à tête d'œuf s’est, selon le canard fondé par Sartre, « embourbé dans ses réponses ». Visiblement, encore un qui n'avait pas révisé durant le confinement. Lorsque les députés lui rappelèrent un rapport d’experts mandatés par Santé publique France insistant sur la nécessité de disposer d’un stock d’un milliard de masques et un audit faisant état d'un stock de 750 millions de protections dont seuls 140 millions étaient encore utilisables… mais périmaient dans les mois à venir, ce bon Salomon lâcha, comme un lapsus : Ça nous a énormément surpris, « sans expliquer, feint de s'étonner Libé, pour quelles raisons face à une telle surprise, il n’a pas été décidé d’une commande massive. » Devant la pseudo-perte de patience des députés, le numéro 2 de la santé s'est tout légitimement choisi pour modèle notre guide thaumaturge, évoquant une nouvelle façon de travailler qui sera mise en place à partir de 2020. Sans plus de détails, les 4 heures étaient passées. En substance, promis, on fera mieux à la prochaine vague. La veille, il leur avait cloué le bec, citant Voltaire ou Lapalisse : « Avant de savoir on ne sait pas ».  
Quant au survol réjouissant du quotidien vespéral des marchés, aucune info non répertoriée ailleurs ne me saute aux yeux déjà bien fatigués. Si ce n'est la mort de la « légendaire chanteuse britannique Vera Lynn », surnommée La fiancée des forces armées, et morte aujourd'hui à 103 ans. Gageons que l'adjudant-chef de l'Elysée, présent donc à Londres cet après-midi, trouvera le temps de rendre également hommage à l'interprète de We’ll meet again, titre, nous dit le journal de Xavier Niel, qui a connu une nouvelle jeunesse pendant le confinement, et que nous reprendrons tous en chœur et en uniforme lors du prochain enfermement. Sur ce, je vous laisse, c'est déjà l'heure de la sieste…

2 commentaires:

  1. Moi qui suis trop jeune pour avoir connu le Blitz, le tube de Vera Lynn m'a toujours évoqué la séquence finale de Dr Folamour.
    J.

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    1. Finalement, cher Julio, c'est peut-être bien le fameux docteur qui est plus que jamais d'actualité…

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