- J'ai fait un drôle de rêve. On était à l'Elysée. Avec Macron.
- C'est dingue... On y faisait quoi ?
- C'était une sorte de cocktail party.
- Nous ? A un cocktail ? Avec Macron ?!
- Oui, mais on se demandait qui avait bien pu nous inviter.
- Brigitte était là ?
- Certainement, je ne sais plus.
- Tu n'as vu que lui ?
- Il me semble…
- Même la nuit, il nous emmerde…
- Il est apparu dans la cuisine pour nous proposer un autre verre.
- Macron ?
- Oui…
- Toujours aussi attentionné et serviable, ce jeune homme... Tu lui as répondu ?
- J'ai dit que j'allais simplement grignoter un petit truc. Il est reparti avec son sourire de technocrate thaumaturge...
- Et moi alors ? Il ne m'a rien proposé ?!
- Je ne crois pas.
- Tu veux dire que Macron m'a ignoré ?
- J'avais le sentiment qu'il savait qui on était, que tu tenais un blogue subversif...
- ...Comme tu y vas...
- ...C'était un rêve, mon chéri ! Bref, j'étais persuadée qu'il nous avait enfermés dans la cuisine.
- Je reconnais bien là son esprit fripon...
- Alors qu'une foule en colère envahissait la cour...
- Des gilets jaunes ?
- Probablement. Je leur ai montré par où entrer.
- Nous étions des infiltrés en quelque sorte ?
- Dans le vestibule, se tenait le prof de tennis de Macron...
- Macron a un prof de tennis ?!
- Peut-être en avait-il un, mais c'est fini : ils se sont jeté dessus et l'ont massacré...
- C'était une révolte ?
- Non, Sire, une révolution. Ensuite, j'ai eu envie de faire pipi, j'ai poussé une porte et je t'ai retrouvé là, endormi sur les toilettes. Tu avais encore trop bu.
- A l'Elysée ?! Je n'en ai pas l'air, mais je sais me tenir !
- Tu te rends compte ? Tu t'es retrouvé dans la cuisine avec Macron, à trinquer avec lui, sans être capable de lui dire le fond de ta pensée ou de lui foutre ton poing dans la gueule !
- Non seulement je suis alcoolique, mais terriblement lâche, ma chérie. Je ne m'en prends à lui que sur mon blogue, de manière anonyme. Heureusement, la loi Avia va bientôt en finir avec moi. Tu prendras ma défense ?
- Avec quels arguments ?
- Tu raconteras ce rêve où comme tous les journalistes face à Macron, je me suis montré puéril, docile, servile… Tu diras que Macron est tellement beau, brillant, inventif, audacieux qu'on en rêve la nuit…
- Toujours est-il que je t'ai réveillé pour t'informer que les révolutionnaires étaient très violents, qu'ils n'hésitaient pas à tuer.
- Mais pas nous, puisque nous étions infiltrés, et avions des convictions ! Des Charlot-Pinçon nouvelle génération…
- Personne ne savait qui nous étions, ni ce que nous faisions là. A leurs yeux, nous étions des invités comme les autres...
- Quel cauchemar...
- Tu proposais qu'on s'enferme dans les toilettes...
- ...Quelle idée...
- …C'est celle que tu avais dans le rêve. Je t'en ai dissuadé : ils allaient finir par nous trouver et nous trucider.
- Mourir pour des idées...
- ...D'accord, mais de mort lente... Je te disais qu'il devait y avoir un passage secret à l'Elysée, tu sais comme dans ce film de… J'ai oublié son nom… Ce film avec la fille du président…
- Ah oui… J'ai oublié le titre, mais c'est un film d'Emmanuel Mouret…
- …Oui ! Exact ! Emmanuel Mouret, Emmanuel Macron, j'aurais dû y penser… Je te parlais de ce passage secret, qui était la solution pour nous en sortir…
- Et moi qui ne pensais qu'à me confiner dans les toilettes. Heureusement que tu es là, ma chérie, pour me faire entendre raison, même dans les rêves. Mais que les choses soient claires : jamais, tu m'entends ?, jamais je n'accepterai une invitation de l'Elysée ! Si un jour, je défaille, tu auras le droit de venir me chercher et m'égorger de tes propres mains, avec ou sans gilet jaune sur le dos.
- Il nous fallait trouver ce passage secret, mais il était hors de question d'aller se renseigner après de Macron, il aurait compris notre stratégie, nous aurait peut-être même suivis, or je tenais à ce qu'il se fasse massacrer par les gilets jaunes…
- Bravo !
- Et là, le chat m'a réveillée…
- Quoi ?! On ne sait même pas comment ça se termine ?
- La nuit prochaine, peut-être… Et toi, tu as bien dormi ?
- Je ne comprends pas comment, après toutes ces années, tu peux encore me poser ce genre de question...
- Tu sais ce dont tu as rêvé ?
- C'est très confus. Avant la longue période d'insomnie, j'ai rêvé que je me remettais au vélo.
- C'est à la mode.
- Détrompe-toi, c'est un ordre. Une injonction. Bientôt une obligation. Pédalez, citoyens, nous nous occupons du reste.
- Il se passait quoi, dans ce rêve ?
- Je ne m'en souviens plus, si ce n'est cette sensation d'étouffement.
- Virale ?
- Non, cette fausse liberté, alors qu'en parallèle on n'interdit guère les véhicules au diesel, sans parler des aides démentes à des boîtes comme Renault, plantées par des nababs adulés des médias, et qui délocalisent sous les applaudissements, cette liberté illusoire de rouler propre n'est qu'une énième soumission au plan.
- Quel plan ?
- Le plan visant à anéantir entièrement ce qui pouvait encore nous constituer...
- Et après l'insomnie ? Tu as eu d'autres rêves ?
- Je ne me suis pas vraiment rendormi. Mais j'ai rêvé de vacances. Très brièvement...
- Oh oui, ce serait bien qu'enfin, nous prenions des vacances ! Tu te rends compte que la seule fois où nous l'avons fait, c'est ce séjour à Madrid, cinq jours, dont trois où nous avons été malades…
- Tu te souviens de cette histoire juive ?
- Je sais à laquelle tu penses… « Je me demande si tu ne me portes pas un peu la poisse », c'est ça, hein ?, avoue !
- C'était une blague, ma chérie…
- Donc ces vacances de rêve, dans ton rêve ?
- Elles ne l'étaient pas, tu penses bien. Encore des interdictions : on nous faisait culpabiliser de prendre l'avion, d'aller trop loin, de dépenser notre épargne à l'étranger, de refuser de collaborer à la relance de l'économie nationale… Mais en France, aussi bien toi que moi, nous n'avions nulle part où aller, personne pour nous accueillir, nous inviter, pas même Macron… Aussi restions-nous à la maison…
- Laquelle ?
- Je ne sais pas, c'est à ce moment-là que le réveil a sonné l'heure du larbinage… Putain, on en est là ? Rêver de Macron ?…
- Et de champagne !
- Oui, bon, ça va alors… Allez, je file, à ce soir !
samedi 13 juin 2020
Elysée party
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire