dimanche 7 juillet 2019

Hommage à la poésie


Le type, une dégaine de vieux cocker battu, se présente comme poète. Il a souvent travaillé avec notre hôte musicien. Un opéra-rock il y a quelque temps. Et plus récemment, un poème de 9 minutes mis en image et en musique, qu'il présentera en octobre prochain dans la ville voisine qui rend hommage à sa poésie. Il fait office de conseiller culturel dans ce qui constitue l'une des rares municipalités de droite du 93. Auparavant, il a exercé ces mêmes fonctions durant des années dans une autre ville de la banlieue sud, communiste celle-ci. Mais sans jamais avoir eu besoin de prendre la carte, ou devenir fonctionnaire, de ça il est fier, bien qu'il se dise homme de gauche. Plus je l'écoutais, plus j'avais soif. C'est surtout des créations pour faire de l'argent qui a amené ces deux-là à beaucoup travailler ensemble. A une époque, il avait une sacrée réputation. On l'appelait. On a ce budget, tu peux nous concevoir quelque chose ? Parce que notre interlocuteur au regard canin, autodidacte, ancien typographe, se dit aussi concepteur – événements, expos, livres d'artistes. Ses principaux clients, des entreprises telles que la Générale des eaux, des agences de communication… Pour le lancement de Vivendi, ils en ont palpé. Ça avait créé des jalousies, chez les gens de Canal notamment, mais c'est à lui qu'on avait fait appel pour la grande soirée à Mogador avec Messier et cie. Une belle réussite. Et dernièrement, lorsqu'il concocta ce grand événement autour de la planète Mars, il eut cette idée lumineuse de faire entrer sur scène trois Ferrari en hommage à l'astre rouge. Aujourd'hui, à bientôt 80 balais, il pourrait parfaitement profiter de son jardin, de ses petits-enfants et de ses chats, mais brûle encore en lui, dit-il, le feu de la création, qui le pousse à distiller toujours ses conseils culturels, ne jamais rater le Printemps des poètes, et à organiser des concours de poésie et des ateliers d'écriture. La collectivité territoriale, reconnaissante, financera la soirée hommage dans un petit resto associatif bien sympathique. Pour services rendus, dit-il non sans une certaine modestie, sa poésie sera enfin mise en avant, ce qu'il, par déontologie, s'était jusqu'ici gardé de faire. Avant de disparaître en Uber, il a balancé, accompagné par un bœuf batterie-guitare, quelques vers personnels et conclu par un standard de Vian, le tout malheureusement démoli par une balance mal réglée. J'ai encore mal dormi.

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