jeudi 6 juin 2019

Retour au réel…

Liu Heung Shing

Notre président ne rate jamais une occasion de nous amuser. Jamais. Le jour de sa participation aux commémorations du 75ᵉ anniversaire du Débarquement allié en Normandie, un communiqué de l'Elysée laissait entendre qu'aux yeux de Macron « entretenir l’esprit de combat de la Résistance participe aussi de l’art d’être Français ».
2 400 blessés, une femme tuée, 23 éborgnés, 5 amputés, un testicule amputé, des pertes d’odorat…, le bilan provisoire du mouvement dit des Gilets jaunes serait d'ailleurs, selon Laurent Nunez, secrétaire d’État à l’Intérieur, purement anecdotique, le prix de la liberté en quelque sorte. Ce brave homme affirmait récemment sans rire : « Nous n’avons pas de regret sur la façon dont nous avons mené l’ordre public et la sécurité publique (...) Ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné, que la violence est illégale »…


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République exemplaire, vous vous souvenez ? C'était ça ou le fascisme...
La semaine dernière, nous apprenions que plus de la moitié des membres du gouvernement d'Edouard Philippe avait subi un redressement fiscal en 2018. En haut lieu — la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en l'occurrence — on s'empressait de nous indiquer que ces étourdis étaient tous de bonne foi et que tout est dû à un système fiscal en France très complexe.
Hier, la presse titrait sur les ennuis de l'ancien ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, visé par une enquête pour détournement de fonds publics avec, à la clé, des emplois municipaux fictifs de son ex-compagne durant plus d'une vingtaine d'années… Pour sa défense, le vieux briscard dénonçait un complot destiné à lui faire perdre la mairie de Lyon aux élections muncipales de 2020. Qui pourrait en douter ?

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République exemplaire toujours avec cet autre détournement de fonds, et de propos, autour du fameux Grand débat national, que certains esprits pernicieux ont qualifié de campagne orchestrée par La République en marche (vers quoi ?) en vue des Européennes, et dont le coût s'élève, officiellement, à 12 millions d'euros —« c’est le coût de la démocratie », disait l'un des ministres chargé de la coordination de la chose. Etrangement, l'after de ces réunions publiques surmédiatisées et agrémentées de longs monologues d'un mauvais comédien que ne renierait aucun dirigeant caricatural d'une république bananière ne semble plus intéresser grand-monde, du moins aucun média. Nous sommes passés à autre chose. De plus, c'est bientôt les vacances.

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Dès le début de ce mois de juin, les tarifs d'électricité augmentent de près de 8%. Au nom de la concurrence, nous dit-on. Et puis, ce n'était pas au programme du Grand débat. Faut suivre.
Ces prochains jours, le Parlement devrait se pencher sur le projet de loi « contre la haine sur Internet », inspiré par une disposition allemande de 2017, appelée NetzDG, et qui imposera aux principaux réseaux sociaux de retirer ou de rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures après notification de la police ou du public tout contenu haineux sur le net, sous peine d’une amende de 4% de leur chiffre d’affaire. Autrement dit, la justice publique sera à terme, dans l'indifférence générale, remplacée par Facebook, Google ou Twitter, entreprises comme on le sait citoyennes et philanthropes…
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Produit des réseaux sociaux, des sponsors à gogo, et accessoirement du football brésilien, Neymar jr., que l'on ne présente plus, s'est de nouveau, la nuit dernière blessé à la cheville après 20 minutes de jeu lors d'un match amical contre le Qatar dont il est le porte-étendard grassement rémunéré. Une énième blessure qui tombe bien pour l'homme que l'on surnomme au Brésil Cai Cai (du verbe tomber) en raison de ses simulations de souffrance à répétition sur les pelouses. Ce pauvre attaquant qui, à 27 ans, tarde à démontrer les espoirs placés en lui dès son plus jeune âge par l'impitoyable machine du foot-business, va pouvoir se consacrer à sa défense. Depuis quelques jours, Ney est dans la tourmente, on le sait. Accusé d'agression et de viol par une jeune compatriote se prétendant mannequin, "rencontrée" sur internet et dont il a payé le billet d'avion et le séjour à Paris pour la connaître en profondeur, la star du PSG plaide, elle aussi, non-coupable. Dans une vidéo postée sur la toile, le joueur affirmait il y a quelques jours être tombé dans un piège mais s'enfonçait légèrement en filmant l'écran de son téléphone, nous permettant d'assister aux échanges virtuels entre ces deux jeunes gens dont des photos et des vidéos évocatrices. Alors que son père, qui officie également comme son agent, organise la communication de la star après avoir tenté d'arranger l'affaire à coup de biftons discretos, la mère somme son rejeton de revenir vers Jésus : « Mon fils, maintenant que la vérité de Dieu est en train de remonter à la surface, c'est le moment de tirer des leçons de tout ça et de revenir vers Jésus, ton premier amour », lui a-t-elle déclaré, toujours par réseaux sociaux interposés. L'éternel espoir et insatiable fêtard, devrait désormais répondre de deux chefs d'accusation : le présumé viol et la divulgation d'images intimes de la jeune mannequin de la toile sans son consentement.
On en était là de cette histoire sordide et pathétique lorsque je découvre ce matin que tout pourrait se retourner finalement contre la jeune femme, déjà lâchée par ses avocats en raison de contradictions flagrantes dans le récit qu'elle fit de cette fameuse nuit agitée. La victime n'a rien trouvé de mieux que de poster à son tour une vidéo tournée dans la chambre du palace parisien… le soir suivant le viol. On y voit Neymar s'allonger sur le lit, le "mannequin" lui grimper dessus et lui administrer une série de torgnoles. Le présumé violeur de la veille implore la gifleuse, les larmes dans la voix, de ne pas le frapper. C'est tout juste s'il n'appelle pas à l'aide son papa. La vidéo dure 7 minutes, nous dit-on, et devrait nous être proposée tout au long de l'été comme une sorte de télé-réalité encore plus vraie que la plus vraie des télé-réalités. Non, mais allô, quoi...
Fort heureusement, les femmes vont tout de même être à l'honneur avec le Mondial de foot féminin qui se tient en France et débute sous peu
Apaga y vamonos, comme on dit au pays de mes parents.


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