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Otto Haeckel |
LA VILLE SE CACHAIT
La ville se cachait comme un port en exil
Une rumeur échouée à l’intérieur des terres
Qui oubliait la mer
La ville se gonflait de sa chanson futile
Que restait-il ?
Se souvenir n’est pas facile
Les femmes arrangeaient leurs guirlandes
Coquetteries d’anges louches aux balcons de dentelles
Aux jupons en nacelles
Les femmes ébruitaient leurs légendes
Qui tenait les chandelles ?
Se souvenir parfois vous ensorcelle
Des galoches sonnaient un dru refrain d’Irlande
Des fados de Portugal
Vous serraient la gorge
Comme une écharpe soyeuse
Prise dans la roue implacable du destin
Des tangos, des femmes fatales,
Plus ou moins
Jouaient leur partition de corrida
Et Le Temps des cerises,
- Juste le premier couplet,
Bien saignant s’il vous plaît !-
Redressait les cœurs
D’autres gourmandises
Agitaient leurs grelots :
Hidalgos, femmes frugales,
Plus ou moins
Des danseuses sans taille, des lianes, des fusains
Même les lourds, les ours, les balourds
Laissaient traîner
Des grâces d’elfes dans leurs mains
La ville, comme un phoque essoufflé, roulait sur son dos
« Plaisir d’offrir, joie de recevoir,
À toi d’ouvrir, à toi de voir ! »
Se souvenir, est-ce un cadeau ?
Des fantômes se perchaient sur le dos des nouveaux venus
Certains se camouflaient, d’autres restaient nus
Qu’une ville appareille, ça ne s’est jamais vu
Il n’y a plus d’inconnus
Au bal des revenus
Qu’une ville appareille
On ne l’oublierait plus
Se souvenir…
À force de mémoire, on ne reviendra plus
***
PLEIN SUD
Et puis j’irai plein SUD
le soleil brisera
mon ombre malhabile
et le vent dénouera
mes muscles fatigués
Je serai dénudé
comme un oiseau malade
mais si tranquille enfin
Une pierre posée
dans le milieu des sables
une pierre nichée
dont les dunes un peu rêches
mais sans haine et sans hâte
ne garderont qu’un grain
Puis je ferai mon tour
sans avoir froid ni faim
ni le manque de celles
qui m’ont toujours manqué
Roulant mon tour de terre
je pourrai me laver
me déprendre des peines
et de mes mauvais sangs
Dans le tamis du vent
je serai chanson douce
rime tendre qui crisse
fantôme minuscule
sans remord ni regret
insouciant inutile
et plus triste jamais
***
HÔTEL DU PORT
La pierre
Contre la mer
L’homme
Aux pieds de l’hiver
Et face contre mer
Tandis qu’au bout du quai
Roule la rouge chanson d’un accordéon
Les yeux fermés d’un homme au bras d’une pendue
Le cri d’un oiseau mort
Qu’ils n’ont pas entendu
Et la grève au ressac près des villes endormies
Hôtel du port
Entre les mâts des grues
L'ami Jérôme Soufflet, comédien et auteur, vient de publier ce bien nommé recueil aux toutes nouvelles éditions Les Grands singes (tiens...), fondées par Jérôme Pauchard, lequel s'associe pour la circonstance à Gustavo Bocaz et son Escalier-Espace d'art.
Quatre autres titres accompagnent la naissance de la maison, invitée au Marché de la poésie, stand 620, Place Saint-Sulpice (Paris), jusqu'à dimanche prochain. Des lectures s'y tiennent, me dit-on.
Une rencontre-lecture avec les cinq auteurs est programmée vendredi 27 juin, à 19h00, chez Gustavo Bocaz : Escalier-Espace d'Art - 104-106, rue Edouard Vaillant, 93100 Montreuil. A priori, on y sera, c'est à deux pas de chez ma mère.
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