lundi 9 septembre 2019

Chansons d'amour


John Bignell

Après Sur l'écriture, il y a deux ans, les éditions du Diable Vauvert publient aujourd'hui un recueil de poèmes rares de Charles Bukowski, écrits entre 1969 et 1993, certains parus ici et là, dans des magazines plus ou moins underground, d'autres entièrement inédits, conservés à l'état de manuscrits dans des collections privées. La plupart n'avaient pas jusqu'ici été traduits en français. On ne pouvait pas louper cela. 


les conditions

présentement, d'après les conditions fixées par le soleil
mon monde touche à sa fin.
marqué par le ver,
bradé par une population mondiale
n'ayant aucune idée de mon existence,
présentement, d'après les conditions fixées par le soleil
mon monde touche à sa fin.
mes amis, on peut difficilement dire qu'il y ait eu des temps bénis.
j'ai montré du courage, de la pochardise et de la peur 
le cœur continue de battre
sous l'emprise d'une terreur absolue.

d'après les conditions fixées par le soleil
je me prépare à déposer 
les armes, la souffrance et le peu 
qu'il me reste d'honneur.




ça ne marche pas à tous les coups

j'ai connu un écrivain dans le temps
qui essayait toujours de resserrer des phrases
par exemple il écrivait :
un vieil homme en manteau vert descendit la rue.

après correction :
vieil homme en vert descendait rue.

après correction :
vieil homme vert descendait rue.

après correction :
homme vert descendait.

après correction :
vert descendait.

pour finir cet écrivain disait,
merde, j'arrive pas à péter,

et puis il s'est tiré une balle
dans la tête.

tiré dans la tête.

tiré la tête.

tiré.



Chanson d'amour

j'ai mangé ta chatte comme une pêche,
j'ai avalé le noyau
le duvet.
calé entre tes jambes
j'ai sucé mâchouillé léché
avalé tout ton être,
ai senti tout ton corps se tendre tressaillir comme
un fusil-mitrailleur
j'ai fait de ma langue une flèche
et le jus a coulé
et j'ai avalé
pris de folie
suçant l'intégralité de tes entrailles –
ton con tout entier dans ma bouche aspiré
j'ai mordu
j'ai mordu
et avalé
et toi aussi
tu as cédé à la folie
alors je me suis retiré pour recouvrir 
de baisers ton nombril 
avant de glisser entre les fleurs blanches de tes jambes

j'ai embrassé croqué
mordillé, 
encore une fois
tout du long
ces merveilleux poils pubiens
qui m'attiraient m'attiraient toujours plus
j'ai résisté tant que possible
et puis j'ai bondi sur la chose
suçant et lapant,
des poils dans mon âme 
un con dans mon âme 
ton être entier dans mon âme 
dans un lit miraculeux
avec dehors des cris d'enfants
s'amusant sur leurs vélos
à roulettes aux environs de
5 heures de l'après-midi
cette heure merveilleuse
que constitue 5 heures de l'après-midi
tous les poèmes d'amour étaient écrits :
ma langue est entrée dans ta chatte et dans ton âme
le couvre-lit bleu était là
sans oublier les enfants dans l'allée
et ça chantait et ça chantait et ça chantait et ça chantait.



Charles Bukowski, Tempête pour les morts et les vivants,
éd. Au diable Vauvert,
2019

 trad. Romain Monnery

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