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Ken Regan |
En regardant Dylan sur scène, mon impression récurrente est qu’il joue gros jeu. Très gros. Il répète qu’il n’est « rien qu’un musicien », et il a certes viscéralement besoin de se protéger ainsi des prétentions intellectualisantes qui sont une menace permanente pour tout artiste, mais de toute façon ce n’est pas à lui de s’expliquer sur les répercussions de son art. Elles nous retombent dessus comme autant de questions qui nous appartiennent. Tout mythe est un moyen d’expression chargé de puissance, parce qu’il s’adresse aux émotions non à la raison. Il nous transporte dans une sphère de mystère. Certains d’entre eux sont des poisons, dès qu’on leur accorde crédit, mais d’autres ont le pouvoir de changer quelque chose en nous, ne serait-ce que l’espace d’une minute ou deux. Dylan crée du mythe à partir du pays qui nous entoure, de la terre que nous foulons chaque jour et que nous ne voyons pas, jusqu’à ce que quelqu’un nous la montre.
Sam Shepard, Rolling Thunder, Sur la route avec Bob Dylan,
trad. Bernard Cohen, ed. Belles Lettres, 2025