– Tu te faisais un peu oublier ces derniers temps, dis-moi...
– Pourquoi aurais-je besoin de me faire un peu ou beaucoup oublier puisque personne ne connaît mon existence ?
– Disons que tu te faisais discret.
– J'ai toujours essayé de l'être.
– J'ai souvenir de quelques gueulantes et scandales publics…
– Justement… Dès que j'ouvre ma grande gueule, je m'en veux immédiatement. Tu n'as pas idée à quel point…
– Tu exagères, comme toujours.
– Détrompe-toi.
– C'est triste, alors...
– Ne t'inquiète pas, je n'étais que souffrance mais je me soigne, et me bonifie avec le temps. Contrairement au pinard d'ici...
– C'est une bonne nouvelle... J'espère qu'on reprendra nos bonnes vieilles habitudes…
– N'espère rien. Jamais. Commande plutôt une autre tournée.
– Tu n'as pas envie d'un peu de légèreté par les temps qui courent ? Tout semble si lourd autour de nous. Dès qu'on écoute les infos…
– …Tu fais encore ça ?
– Ecouter les infos ?
– Oui, et te préoccuper…
– Il y a de quoi, non ?
– Je ne sais pas. Tu aimerais que rien ne change ?
– J'aimerais que tout ne soit pas aussi sombre. Je sais, tu vas me dire qu'il faut passer par ces heures terribles pour trouver autre chose…
– Je ne suis pas aussi optimiste, mais voir ce cirque permanent légèrement osciller ne m'inquiète pas outre mesure… Observer, de loin, la panique des uns et des autres m'amuse plutôt…
– Il est vrai que ce matin, je me suis bien marré en écoutant tous ces éditorialistes tenter de sauver la démocratie et le soldat Macron…
– Ah oui ? Il en reste ?
– Au nom des valeurs de la république…
– Les fameuses valeurs… C'est vrai que quand on repense à ce qu'a été la présidence de cet agité du ciboulot et de ses sbires, on sait qu'ils n'ont eu de cesse de les défendre, ces belles valeurs… Heureusement pour eux, et pour tous ces éditorialistes d'accompagnement, serviles laquais des milliardaires propriétaires de 90% des médias et des réseaux sociaux, nous oublions tout.
– Tu penses à quoi ?
– A rien de particulier. A tout. A tout ce qu'a été, depuis le début, cette présidence…
– Mais encore ?
– Mais encore ?! Je ne sais pas, moi… Ce banquier tiré à quatre épingles qu'on nous a vendu comme le Mozart de l'économie. On voit où nous a menés ce pervers narcissique… Des années de grande vulgarité, d'arrogance crâne et de malveillance jouissive. Oui, dès les premiers jours. Tu te souviens j'imagine de ces images de la fête de la musique à l'Elysée, celle de 2017, soit un mois après l'arrivée de cet auto-proclamé monarque disruptif, mouillant pour des danseurs blacks trans en shorts et talons aiguille, un DJ vindicatif exhibant un tee-shirt sur lequel était inscrit Fils d'immigré, noir et pédé, et la mère maquerelle allumée se déhanchant en famille…
– Non, je ne m'en souviens pas…
– Tu vois ? On oublie qu'à la première occasion, en privatisant l'Elysée pour quelques vulgaires happy few, Jupiter annonçait le programme… Mais, tu te souviens au moins de Benalla, non ? Ce type venu de nulle part, monté en grade à une vitesse folle, dont Macron s'est empressé de dire qu'il n'était pas son amant – lors de cette fameuse intervention où, sous les applaudissements de ses valets et des médias, il demandait qu'on vienne le chercher ? Tu te souviens ? Le gros barbu déguisé en flic de la BAC tabassant de petits bobos égarés dans un jardin public, puis usant de faux passeports diplomatiques pour aller faire des affaires à l'étranger, l'enquête baclée et le coffre-fort disparu, tu te souviens ?, l'arrogance de ce petit monde décadant singeant la cour versaillaise mais ne rejouant que la chute de Rome de manière pathétique, le mépris des « gens qui ne sont rien », la rue à traverser pour trouver du boulot, le costume qu'on peut se payer si on va bosser, la grotesque guignolade avec les influenceurs youtube, Pétain grand soldat, sans cesse l'indécence rance, le soutien sans faille aux génocidaires, la secrétaire d'Etat, poufiasse de son état, autrice de bouquins érotico-ridicules, posant pour un vieux magazine de cul qu'on tente de relancer avec cette exhibition grotesque, sans oublier tous ces pauvres gens éborgnés, amputés de leurs mains, la casse des services publics, la nasse des manifs, le gazage permanent, la militarisation de la répression, la surveillance algorithmique, les jeux du cirque version Arnault cet été justifiant le non-respect du verdict des urnes, le ministre de l'économie en lévitation affirmant qu'il va mettre à genoux l'économie russe, tout en se signalant lui aussi auteur d'autofictions pseudo-érotiques pour gondoles de supermarchés, obnubilé par les renflements bruns et se branlant dans sa baignoire en lisant Thomas Bernhard…
– Qu'est-ce que tu racontes ?!
– La pure vérité, du moins celle de cet hurluberlu maboule exilé en Suisse pour continuer à donner des leçons d'économie… Je continue ?
– Il y en a encore ?
– Tu ne te souviens pas du poudré de la rue du Faubourg Saint-Honoré déguisé en Top Gun de foire à la farfouille pour faire la guerre à un virus ? Ces délires hallucinants des conseils de guerre, les injonctions contradictoires, les injections obligatoires, les petits arrangements grossiers avec l'industrie pharmaceutique, au prix d'une soumission inouïe à l'une des organisations mafieuses la plus corrompue de la planète sise à Bruxelles et dirigée par une ex-ministre allemande déjà exfiltrée pour ses conflits d'intérêts, les milliards envoyés au clown kaki ukrainien sous coke et qu'on ne reverra jamais, dix ans étourdissants, écœurants, durant lesquels il a reçu en grande pompe les pires salopards du moment, léchant sans cesse le cul de ceux qu'il prétendait combattre, devant qui il avait appelé à faire barrage, pompant dans l'argent public pour ses réceptions jupitériennes en cascade, décorant les pires ordures sous les ors de la république, comme on dit, multipliant les outrances malsaines et méprisantes, conseillé dans l'ombre par un type mis en examen pour corruption et conflits d'intérêts, véritable homme orchestre de ce carnaval chaotique, et une équipe de bras cassés, fiers d'être des amateurs, comme ils disent, en responsabilité, traînant pour la plupart des casseroles judiciaires, je continue ?
– Non, merci. tu peux demander à Ahmed de me préparer une tisane détox pendant que je vais vomir un moment ?
– Petite chose, va… Notre-Dame va réouvrir, ça va nous faire un bien fou et tous nous réconcilier.
– Ce qui fait un bien fou, je l'avais oublié, c'est prendre un verre avec toi…