samedi 6 juillet 2024

Secteur interdit

Jean-Luc Bertini


En 2007, le premier numéro des Carnets du Loir était consacré à l'ami Richard Morgiève. Dans un long entretien, il évoquait son fabuleux livre Un petit homme de dos et son approche de l'écriture, de la poésie et du roman. 


(...) Il y a tout un pan de la littérature que je peux apprécier mais je sais que je ne fais pas la même chose, que je ne cherche pas la même chose. Je ne veux pas paraître, ça ne m’intéresse pas du tout. Je ne veux pas étonner. Je veux être juste, coûte que coûte. Même si on y voit de l’esbroufe, je m’en fous; j’ai essayé d’être juste.

 

Et c’est la prose qui vous permet d’être juste ?

Je trouve qu’un poète qui a plus de vingt-cinq ans n’a plus qu’à se suicider. C’est triste de voir des vieux cons de cinquante, soixante ans, qui se disent poètes, Chevaliers des Arts et Lettres. La poésie est un secteur interdit. En revanche, fabriquer de la beauté dans un cadre anonyme — le roman— ça me botte à fond, parce que, justement, je suis protégé par les structures. Celles du roman. Je sais très bien que tout ce que je cherche à faire, c’est des phrases belles. Mais ce n’est pas de la poésie. C’est un texte. Et c’est en fait très difficile, parce que ça demande de la rigueur, et qu’il faut, en même temps, continuer l’histoire, ouvrir les portes. En fait, dans le roman, il faut rentrer en rapport, alors qu’en poésie on ne rentre pas en rapport (...)

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