samedi 20 juillet 2024

Tomber la chemise

 

Dominique Jacovides

Bêtise toujours, avec cet ouvrage du même Armand Farrachi consacré à l'étoile qui nous guide depuis 2017 et dont voici les premières pages :

 

D’abord, un constat : Emmanuel Macron se montre souvent en bras de chemise. On a vu pire crime, évidemment, mais est-ce pour autant un détail insignifiant ? Cette tenue, assez courante chez les patrons de bar, l’est moins chez les présidents de la République. Une question se pose alors. Pourquoi exposer de façon ostentatoire sa chemise sans la veste ou sans le vêtement qui, depuis le Moyen Âge, est censé la couvrir? Personne, ni le climat ni le protocole ne l’y obligeant, il faut bien qu’il plaise au président d’apparaître ainsi, comme d’autres en tenue de sport, ou de chasse, ou de golf, ou en smoking. Est-ce pour signifier que le président se sent partout dans l’intimité, partout au travail, partout chez lui, comme autrefois les rois? (…) C’est comme un privilège, une prérogative, un droit divin. Sa veste, il ne l’ôte pas pour les chefs d’État, ni pour les grands patrons, ni pour le pape, ni pour ceux «qui ont réussi», selon lui, il l’ôte pour les maires, les quidams, les foules, les travailleurs au niveau desquels il consent à descendre, les obscurs, les sans-grades, ceux «qui ne sont rien», comme il les appelle.(…)

Il est donc bien fini le temps où les présidents posaient solennellement, en habit, avec décorations et médailles, comme de Gaulle. Lui se fait photographier dans l’action, en bras de chemise, c’est pour ainsi dire sa tenue officielle, sa posture de prédilection.

Probablement est-ce sa façon d’être en privé, ce qui ne regarde que lui. Mais lorsqu’il se trouve en représentation, comme on ne peut croire qu’il s’agisse simplement de convenance personnelle ou de son bon plaisir, veut-il exprimer par là qu’il habite notre salon comme si c’était le sien?(…) C’est peut-être aussi un tic, une manie, comme d’ôter ses chaussures, défaire ses bretelles, ou se lisser la moustache. Peut-être est-ce simplement une négligence : on l’a vu s’adresser au public depuis la tribune, déhanché, le bras appuyé sur le pupitre, comme au comptoir d’un bar; je l’ai entendu dire «messieurs-dames»; il tape volontiers dans le dos, montre du doigt, parle à la troisième personne de son ministre pourtant présent. Ce n’est pas lui qui donnera des leçons de maintien, et tel n’est pas non plus son rôle, mais peut-être aurait-il dû en prendre. Beaucoup, pour citer La Rochefoucauld, se croient naturels quand ils ne sont que grossiers.(…)

Ce n’est évidemment pas là-dessus qu’on juge un politique, et on donnerait cher pour un président en savates ou en survêtement qui ne prendrait que des mesures justes et utiles. Cette affaire de chemise n’est pourtant pas un point de savoir-vivre ou d’élégance, ou pas seulement, mais une question politique. En adoptant le pantalon, les sans-culottes ne voulaient pas lancer une mode vestimentaire, ni LouisXVI en acceptant le bonnet rouge sur la perruque le 20 juin1792, ni Macron en refusant le gilet jaune sur le veston le 1ermars2019. C’est une façon de gouverner ou, comme on dit aujourd’hui, de «communiquer».



Armand Farrachi, Macron, un roi en bras de chemise,
éd. Serge Safran, 2020


1 commentaire:

  1. C'est piquant. Lorsque nous étions plus jeunes et plus mignons, il fut le bicentenaire d'une révolution qui n'a jamais éliminé la misère ou l'exploitation, comme chantait l'autre. Et à l'occasion exista une coordination des Sans-cravattes en hommage aux Sans-culottes. Il s'agissait d'une chasse aux cadres de La Défense grandeur réelle.
    Voilà t'il pas qu'il faudrait attaquer les chemises (y'en a des biens, d'ailleurs) tels de vulgaires employés de certaines boites d'aviation qui mettaient celle de leurs managers en lambeaux il n'y a pas si longtemps.
    Ça aurait au moins le mérite d'être distrayant.

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