Dans l'essentiel numéro des Cahiers de l'Herne consacré à Annie Ernaux, et dirigé par Pierre-Louis Fort, on pourra lire de nombreuses contributions d'écrivains, cinéastes, universitaires…, offrant leur point de vue sur la romancière, des lettres et des entretiens, des textes d'Ernaux ainsi que quelques pages inédites de son journal. Cet extrait a 20 ans…
Mardi 30 avril 2002
Je n’ai pas écrit l’article projeté sur la situation actuelle. Fatiguée encore. Peut-être aussi incertaine sur mon vote, et plus encore sur l’avenir. Voter Chirac, « prendre l’un pour taper sur l’autre », pour que Le Pen ne passe pas, soit. Mais dans l’écrasante victoire, alors, de Chirac, on oubliera qu’elle a été obtenue par les votes de gauche. En ce moment la droite et ses électeurs sont follement heureux que Le Pen soit à la place prévue de Jospin, ne vont-ils pas le remercier d’une façon ou d’une autre ? Vais-je offrir un blanc-seing à Chirac ? Et si Laguiller avait raison en prônant le vote blanc ou nul ? Mais le danger Le Pen ? Comment savoir ?
Souvenir de la première fois où j’ai voté, le 27 octobre 62. C’était un référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel. J’ai voté non, avec les communistes, Mendes-France, etc. Quarante ans plus tard, on voit ce qui arrive en effet : 16 candidats, martèlement des sondages, dépolitisation, bonjour l’extrême droite. Par-dessus tout, le mépris de la classe populaire, la gauche chic partout, et friquée. Agacement extrême devant ce déploiement de discours vibrants contre le fascisme. Ces gens, artistes, intellectuels, se mobilisent pour des idées assez simples, pas pour des personnes, à la différence des mouvements associatifs. Ça ne dure pas longtemps, ce n’est pas fatigant. Je ne sais qui, à Beaubourg, ce midi : « Défendre la culture ! La culture c’est la liberté ! » Très joli, seulement, quand on n’y a pas accès ou qu’elle est excluante, est-elle source de liberté ? Émotion contre émotion (le vote des uns pour Le Pen, réaction hystérique des autres). Ils disent « on a honte » à cause du vote Le Pen. Ils n’ont jamais honte devant les licenciements, les SDF font partie du paysage, etc.
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