J’ai été un autodidacte assez paresseux et arbitraire, et j’ai regretté l’absence dans mon entourage d’amateurs d’essais.
Parfois, je « lis des yeux », comme on dit « dévorer des yeux ». Et j’ai parfois les yeux plus gros que le ventre au point de frôler l’indigestion.
Comme pour Bouvard et Pécuchet.
Flaubert consacra les six dernières années de sa vie à écrire ce roman, qui fut publié après sa mort. On a coutume de n’y voir qu’une farce sur deux idiots que leur soif d’apprendre finit par étouffer. Moi, je le prends très au sérieux. On ne saura jamais si je me moque d’eux ou pas, disait en substance Flaubert. Les deux, en fait. Je crois que pour se documenter, Flaubert lut quelque mille cinq cents livres.
On devrait réécrire Bouvard et Pécuchet deux ou trois fois par siècle. C’est un livre ravageur et, à l’instar de toutes les œuvres de ce type, un livre comique essentiel. Le chapitre qui voit nos deux amis se consacrer à l’étude de la philosophie, je le finis toujours dans un grand éclat de rire. Hume affirmait que nous n’avions aucune raison d’étudier la philosophie, exception faite de quelques esprits qui peuvent y trouver là une forme agréable de passer le temps. Cela dépend. J’ai en moi des bribes de ce tempérament, quelques-unes seulement, et il n’est pas rare que je me retrouve, comme ces deux benêts de Bouvard et Pécuchet, complètement perdu et angoissé. Bouvard et Pécuchet, c’est moi.
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