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Joan Colom |
Elle pensait que
Johan Cruyff
était un de ces professeurs
de désespoir que j'aimais citer
venu le soir entre deux
verres d'un trop vert pinard
un type du nord
comme Kierkegaard
ou Dagerman.Je me lançais
sans élan ni élégance
dans des histoires sans fin
sur cet autre fils
d'une femme de ménage
le football total
Amsterdam et Pandora
la guerre de Troie
comprenne qui pourra.Et cet ancien instituteur
hier
déclamant fièrement
Tous les matins
je me remets
en bouche un poème
pour faire travailler la mémoire
les pieds
et la langue
après s'être s'emporté
contre
les trottinettes sur les trottoirs
les mômes sur les écrans
les drones traquant
civils
hommes
femmes
et enfants
le naufrage de nos dirigeants
l'imposture de toutes leurs positions
la bêtise des oppositions.Et me voici
dans le ventre de cette
nuit de perdition
cher Roger Wolfe
passant tes vers
d'enfant de Westerham, Kent
écrits dans ta langue d'adoption
apprise à Alicante
pour moi maternelle
dans ma propre langue
d'adoption
titubant en me relevant
butant l'adaptation
devant un verre
à moitié vide.J'observe du coin de l'œil
sur la table la bouteille
ouverte après l'appel
de ma mère
décrépite par les ménages
qui s'étonne au téléphone
dans son mélange de langues
qu'une blouse blanche
lui parle de
ses quatre vingt huit ans
quatre vingt sept
elle insiste
oubliant encore
ses deux dates de naissance.Bientôt l'heure du réveil
seul je sèche
à faire tenir
droit
un poème
dit de réalisme sale
que personne n'attend
et
trouve sur la toile
les images en mouvement
en couleur puis en
noir et blanc
sous tous les angles
de la fameuse
volée
du Hollandais volant
un soir de mille neuf cent
soixante-quatorze
sous le ciel catalan.Nous avons tous
disait je crois
un poète chilien
mort à Barcelone
Nous avons tous
un ancien amour
à évoquer
lorsque nous n'avons plus
rien à dire
et que l'aube pointe son nez.
charles brun, hommage à la catalogne