Jorge Aguirre |
Fatigué
Oui !
Fatigué de n’user que d’une seule rate
deux lèvres
vingt doigts
je ne sais combien de mots
je ne sais combien de souvenirs
grisâtres
fragmentaires.Fatigué
très fatigué
de ce squelette froid
tellement pudique
tellement chaste
que je ne saurai une fois dénudé
s’il est bien celui dont j’ai usé de mon vivant.Fatigué
Oui !
Fatigué
de ne pas être pourvu d’antennes
d’un œil à chaque omoplate
et d’une veritable queue
joyeuse
déchaînée
et non ce bout hypocrite
dégénéré
rachitique.Fatigué
surtout
d’être toujours en ma compagnie
de me retrouver chaque jour
lorsque le songe prend fin
où que je sois
avec le même nez
et les mêmes jambes
comme si je ne pouvais désirer
attendre le brisant la peau dorée au soleil
offrir à la rosée deux seins magnolia
caresser la terre avec le ventre d’un vers,
et vivre, quelques mois, à l’intérieur d’une pierre.
Oliverio Girondo, Cansado,
trad. maison
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