Przemek Strzelecki |
Comme il m'arrive de croiser, sans le vouloir, mon image dans un miroir, sans véritablement comprendre ce que je viens d'apercevoir, avec le sentiment de m'être perdu de vue depuis longtemps, je peine de plus en plus à reconnaître mon écriture. La numérisation de nos existences y est pour beaucoup, me dira-t-on. Je m'efforce depuis un moment à toujours posséder sur moi un carnet et je passe mon temps à racheter des stylos. Toujours est-il que relire des notes, prises il est vrai, à la hâte, est devenu une pénible épreuve. Et lorsque je dois produire pour des raisons professionnelles, ou parfois encore administratives, un courrier manuscrit, cela peut me prendre des heures. C'est exaspérant. Même l'écriture du vieux médecin de ma mère est plus déchiffrable que la mienne. J'en ai honte. Une affliction supérieure survient lorsque je dois relire un des mes textes, déjà lu par d'autres, parfois maqueté, pour une séance de corrections. Impossible de savoir qui a pu tenir de tels propos. Si c'est moi, où suis-je aller chercher ces mots, ces tournures, ces références ? Quel intérêt ai-je pu trouver à la rédaction de cette matière ? Où ai-je pu puiser la motivation suffisante ? Cela dit, l'effroi ne fait pas long feu. Je me sers un verre et en viens à conclure qu'être en accord avec ce que j'écris serait davantage insupportable. C'est ce qui maigrement me console.
charles brun, on ne se console pas comme on peut