vendredi 28 janvier 2022

Ce prétexte-là

 

Carole Bellaïche


 

16 août 1926

Le plus difficile, dans l'art, ce n'est pas de s'enrichir, c'est de renoncer.

J'ai fait une longue promenade aujourd'hui, sans penser à rien. Je ne m'en plains pas ; cela m'a réjoui. La pensée m'est devenue, dernièrement, haïssable.


 

7 septembre

J'écris comme on s'ouvrirait les veines.

J'écris pour ajourner une confession ; toute écriture devait être pour moi comme un moyen de reporter la sentence. 

 

26 octobre

Il m'est arrivé de passer devant des femmes comme une ombre. Un fantôme ; je ne leur faisais aucune impression. Mes paroles s'envolaient comme du vent. Je me dis maintenant que cela remonte à des époques où j'étais plus pur. 

 

30 juin 1927

Ne te demande pas qui ou quoi exerce une influence sur toi. La question n'est pas là. La question, c'est : as-tu un tempérament propre ? Si c'est le cas, il n'est pas impossible (et ne demande pas que cela le devienne) que ton élan premier vienne d'un penchant pour l'imitation — de la même façon que c'est par le travail que tu libéreras définitivement ce prétexte-là.



Georges Séféris, Journées 1925-1944,
trad. Gilles Ortlieb,
éd. Le bruit du temps, 2021

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