— Ces chats sont vraiment insupportables...
— Nous avons pu croire qu'ils s'étaient calmés, maintenant qu'ils ont un jardin...
—Depuis que la pluie est au rendez-vous toutes les nuits, c'est réveil à l'aube, comme avant. Si ce n'est lui, c'est elle, quel duo...
— Quand je suis remontée, après les avoir nourris, j'avais très envie de te prendre dans ma bouche.
— Ah oui ?
— Un désir très fort. Inouï.
— Pourquoi t'en es-tu abstenue ?
— Tu ronflais...
— C'est drôle, je t'ai entendue verser les croquettes du chien. Mais j'ai refusé de me réveiller totalement. J'ai encore eu une longue insomnie dans la nuit et je venais à peine de me rendormir.
— J'en ai rêvé...
— De mon insomnie ?
— De ta queue.
— Je comprends.
— Alors pourquoi me parles-tu de ton insomnie si tu as compris que je parlais de ta queue ?
— Je comprends que tu en rêves.
— T'es con...
— Pas seulement.
— Notamment.
— Je disais Je comprends, non pas parce que j'estime que ma queue est magnifique et qu'il est tout à fait normal qu'on en rêve, mais parce que c'est la seule manière désormais de la voir.
— Il n'y a plus qu'en rêve que nous pouvons encore baiser, c'est ce que tu sous-entends ?
— Nul besoin de sous-entendu, les choses sont claires. Les emmerdations qui nous ont absorbés ces dernières années ont eu raison de notre vie sexuelle.
— Sans doute... Dans mon rêve, c'était vraiment étrange. J'avais plusieurs orgasmes tout en te suçant.
— Qu'y-a-t-il d'étrange à cela ?
— Toi, tu n'y arrivais pas.
— J'étais devenu impuissant ?
— C'était très long... Ça durait, voulais-je dire. J'avais beau m'acharner, tu finissais par me dire Laisse tomber, je dois 7500 euros aux impôts, j'ai pas la tête à ça...
— Effectivement.
— Comme si nous n'avions pas assez d'emmerdations...
— Tu as vraissemblablement mal entendu.
— C'est ma bouche qui était bouchée, pas mes oreilles.
— Tu te trompes, j'ai certainement dit J'ai gagné 7 millions au loto, je vais en profiter pour changer de femme.
— Salaud !
— Je plaisante, ma chérie. Cette série d'emmerdations, si elle se poursuit, va en finir avec nous.
— C'est le dénouement que tu imagines ?
— Dans le meilleur des cas, j'imagine que nous survivrons mais séparés, rejetant sur l'autre la responsabilité de tous nos malheurs. Dans l'hypothèse la plus pessimiste, j'imagine que nous finirons totalement anéantis.
— C'est gai... Toujours est-il que, dans mon rêve, je m'enfuyais en t'entendant parler des impôts. Et je me retrouvais dans un bois...
— ...avec le chien ?
— Non, j'étais seule.
— Et tu croisais l'homme des bois, le fameux...
— ...Oui, comment le sais-tu ?
— Classique.
— J'étais parcourue de frissons en le rencontrant, mais il disparaissait soudain et j'étais incapable de le retrouver. J'avais beau chercher... Je me demande ce que ça peut vouloir dire...
— Les frissons, tu les as éprouvés avec moi. En retrouvant la bête des bois qui sommeille en moi mais qui t'échappe depuis des mois.
— Un peu facile, cette interprétation, dans laquelle, au passage, tu te donnes le beau rôle...
— Cela peut également signifier que tu te demandes s'il n'est pas déjà trop tard pour rencontrer quelqu'un d'autre...
— Salaud !
— Ou encore que tu cherches ce quelqu'un d'autre depuis un moment sans jamais parvenir à le trouver.
— Ce doit être ça... Tout n'est pas perdu, tant que je peux marcher...
— Tu sais ma chérie, moi aussi, je rêve de toi. Très souvent.
— Des rêves érotiques ?
— Cette nuit, j'ai rêvé que j'embrassais ta fesse droite. Sur laquelle, il y avait une morsure. On distinguait très bien, de manière un peu caricaturale, comme dans une BD, la trace des dents.
— Les tiennes, certainement !
— Oui. Ou celles de l'homme des bois...
— Ah oui, sûrement...
— Pourquoi ne restons-nous pas un peu au lit, ma chérie, le réveil ne sonne pas aujourd'hui ?
— Il faut que j'aille promener la chienne. Je sens qu'elle s'impatiente.
— Tu vas où ?
— Au bois.
— Attends. Je viens avec toi !