Double mystère
26 septembre 1954
La nuit était blanche jusqu’au ciel, c’était la première neige, le début de l’automne. Corey rentrait à Panguitch, chef-lieu du comté de Garfield, mille âmes à peu près vivantes et pas mal de fantômes. Les montagnes lointaines et une forêt sans fin fermaient l’horizon à gauche — et devant, derrière, à droite, le plateau se répandait comme un type qui aurait bu sans soif. Un désert à deux mille mètres d’altitude. Il y avait si peu de citoyens dans le comté de Garfield qu’il n’y avait pas de crimes, parfois un bonhomme se suicidait. Toujours d’une balle dans la tête et toujours avec du gros calibre si bien qu’on les enterrait sans tête.La radio a grésillé, c’était le standard de la police de Provo — à deux cents miles de là. Panguitch ne pouvait pas se payer de standard de nuit, seulement un shérif au rabais dans sa jeep Willys en provenance des stocks de l’armée. Le comté fourmillait de pistes la plupart impraticables à des véhicules normaux. Corey a pris l’appel radio. Jessie lui a dit que Lars Andersson venait d’appeler pour signaler une soucoupe volante. C’était l’ancien maire de Panguitch, il ne buvait pas, ne fumait pas. Pas le genre à avoir des hallucinations. C’était la troisième fois de la soirée que Jessie rapportait à Corey qu’un ovni avait été aperçu : lumière rouge, puis verte, intense. Apparition d’une forme dans le ciel, à basse altitude, pas de bruit, odeur bizarre… Disparition instantanée du truc, chiens qui aboient les oreilles aplaties, canaris en transe, radios qui s’éteignent… Tous les témoignages concordaient.— C’est quoi cette maladie qu’ils ont avec les Martiens ? a grommelé Jessie. Ils en voient, ils en voient… ils voient que ça !— Ils forniquent pas assez, a répondu Corey, comme moi.Jessie s’est marré et a dit qu’il y avait cent millions de cocos avec des bombes atomiques et on leur signalait des Martiens sur des balais-brosses lumineux. Depuis que Little Boy et Fat Man avaient dressé leurs glands monstrueux au-dessus d’Hiroshima et de Nagasaki, les Martiens avaient rappliqué, comme si c’était lié. L’année dernière, la police avait recensé près de vingt-trois mille déclarations d’apparitions d’ovnis. Peut-être qu’ils étaient venus en masse fêter la fin de la guerre de Corée ? Va savoir avec les Martiens les idées qu’ils pouvaient avoir.
C'est le début du faux polar de l'ami Morgiève que l'on trouve dans toutes les bonnes librairies depuis quelques jours – et ailleurs, sûrement. Parce qu'il n'y a pas que Welbek ou Bèquebédé qui font des livres. Il y a aussi quelques écrivains. Et chez les bons, y'a Morgiève. Qu'on se le dise ! Et qu'on le lise !…
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