On nous l'avait promis un soir, dans l'euphorie sombre d'un hommage Maison de la poésie, sceptique, on se refusait d'y croire… C'est désormais annoncé : dans trois jours, on pourra lire dans la blanche quelques uns des textes noirs et magniques qu'Hervé Prudon balança du haut de sa tour face à la Santé et à la mort.
il ne fera ni jour ni nuit
ni chaud ni froid
je ne serai ni moi
ni un autre
sans âme et sans substance
je ne serai ni le feu ni le vent
ni la pierre ni l’arbre ni l’animal
ni la lumière ni les ténèbres
de moins en moins l’absence
et rien de plus en plus
jusqu’à ce que rien ne dure
il fait chaud en flanelle
on boit du thé à la cannelle
libres ailleurs des chevaux s’ébrouent
sur les herbages du delta large
ici des fleurs coupées se fanent
les steaks sous cellophane le bœuf s’étouffe
dessus le ciel vibre de nuages et de vents
de couleurs et de pluies
l’œil éternel s’ennuie
nulle part personne
ne se soucie du cri des hommes
j’assiste à ma mort triste et douceà Paris tandis qu’ici et là j’entends qu’on veilleà grands cris au sort des bêtes sauvagesde l’abattage des cochons de la proliférationdes bactéries autant d’infos dont je me fousmoi j’aimerais juste sans penser à malni à moi avoir moins mal de moiet penser plus aux autres bêtes, cochons et bactériesparticiper à la souffrance et l’insoucianceuniverselle si ce n’est pas trop demander sinonme taire encore serrer les dents que je n’ai pluset les fesses et le cul moins chair que trouet vivre plus vite que peu ou prou
Hervé Prudon, Devant la mort, Gallimard
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