mercredi 26 septembre 2018

La prochaine fois


Thierry Valencin


et, j’ai dit, tu peux prendre tes riches oncles et tantes
et pères et grand-pères
et tout leur foutu pétrole
et leurs sept lacs
et leurs dindes sauvages
et les bisons
et tout l’Etat du Texas,
tes fêtes à la con
et tes promenades du samedi soir
et ta bibliothèque du merde
et tes conseillers municipaux véreux
et tes pédés d’artistes
tu prends tout ça
et tes hebdomadaires
et tes fameuses tornades,
et tes pertes dégueulasses
et tous tes chats qui miaulent
et ton abonnement à Time,
et tu te les mets où je pense,
ma chérie.

Je peux encore manier la hache et la pioche (je crois)
et je peux encore ramasser
25 billets pour un combat de 4 rounds (peut-être);
d’accord, j’ai 38 ans
mais un peu de teinture effacera le gris
de mes cheveux ;
et je peux toujours écrire un poème (parfois),
n’oublie pas ça, et même si
ça ne paie pas,
c’est mieux que d’attendre la mort et le pétrole,
et chasser les dindes sauvages
et attendre que le monde
commence.
très bien, sale clodo, elle a dit,
tire-toi.

quoi ? j’ai fait.

tire-toi, t’as piqué
ta dernière crise.
j’en ai marre de tes crises :
tu ressembles tout le temps à
un personnage d’une pièce d’O’Neill.

mais je suis différent, ma chérie,
j’y peux
rien.

t’es différent, très bien !
et comment, t’es différent !
claque pas
la porte
en partant.

mais, ma chérie, j’aime ton
argent !

t’as pas dit une seule fois
que tu m’aimais !

qu’est-ce que tu veux ?
un menteur ou un
amant ?

tu l’es pas non plus ! dehors, sale clodo,
dehors !

mais ma chérie !

retourne à O’Neill !

j’ai refermé doucement
la porte et je suis sorti
en pensant : tout ce qu’elles veulent
c’est un pantin
qui dise oui et non
qui se penche au-dessus du feu et
ne foute pas trop le bordel ;
mais tu ne rajeunis pas,
mon vieux ;
la prochaine fois tâche de la
fermer
un peu.


Charles Bukowski, Avec les Damnés,
trad. Michel Lederer (?)

4 commentaires:

  1. Merci pour ce poème de l'indispensable Hank.
    Je suis surpris, un peu, d'avoir apprécié ce texte traduit par Guégan. Je garde, en effet, un souvenir amer de la traduction d'Un carnet taché de vin qu'avaient torchonné les Guégan et fils. D'ailleurs, il semble me souvenir n'avoir pas été le seul à s'être ému de la mauvaise qualité de l'entreprise.

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    1. Exact cher Promeneur,le doute est permis, il m'habite d'ailleurs… En fait, le recueil Avec les damnés est assez obscur. En page de garde sont listés les traducteurs. Ceux des romans et nouvelles et ceux des poèmes. Je n'ai plus dans ma bibliothèque L'Amour est un chien de l'enfer (volé il me semble par une chienne de l'enfer), traduit par Guégan, et n'ai pu vérifier si ce poème en faisait partie. Selon mes recherhces, il est extrait d'un recueil non traduit en français, Roominghouse Madrigals: Early Selected Poems 1946-1966. Est-ce le Vincennois et client de la librairie où je bossais il y a des années, Michel Lederer, mentionné sur cette page de garde pour "tous les autres extraits" qui est responsable de cette traduction ? Possible. Ceci expliquerait cela comme disait Thierry Roland. Toujours est-il que Vive Hank !

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  2. Merci pour ces précisions, cher Inconsolable. Je scruterai ma bibliothèque pour y retrouver ce Chien (contrairement à vous, mes ex petites amies avaient moins bon gout que la vôtre : aucune ne m'a volé d'exemplaire de Hank).

    Pour nous ôter de ce doute, peut-être pourrions nous appliquer cette recette, certes hâtive mais souvent efficace : si c'est bon, c'est pas du Guégan.

    Bien à vous

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    1. Excellente initiative ! Je vais être encore plus précis, cher Promeneur. J'ai racheté hier le Chien et "Le jour où j'ai repoussé un paquet de billets" n'y figure pas. Ce n'est donc pas du Gégé... J'enlève mon point d'interrogation immédiatement. Vive Hank ! et Vive Lederer ! et vive le Promeneur !

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