Au cœur de la nuit, après la trêve des confiseurs, je tente, en survolant la toile, de me mettre au diapason de l'actu avant de vaquer à des occupations plus légères. C'est ainsi que j'apprends que Cate Blanchett, actrice engagée contre le harcèlement, selon la formule du Figaro, présidera le prochain jury du Festival de Cannes. Les organisateurs du grand barnum de la Croisette promettent, nous dit-on, une Présidente engagée. Par qui ? L'Oréal ? Après les révélations sordides sur le lupanar hollywoodien, la campagne médiatique des mots dièses MeToo, MoiAussi, BalancetonPorc (mais pas ton portable), difficile de trouver, j'imagine, une actrice dégagée, mais l'opportunisme communicationnel a pris le pouvoir au pays des faux-culs. Cannes, qui toujours fut la scène la mieux exposée pour la pose de starlettes plus ou moins dénudées ou pour laisser sortir malencontreusement un sein sous une robe Dior, se donne le beau rôle, le premier. Histoire d'oublier certainement que, sur 70 éditions du festival, la fonction qu'occupera l'actrice australienne n'a été confiée à une femme… que 10 fois. Il y a encore du pain sur la planche, comme dit notre guide, Edouard Philippe…
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Dans le même journal de l'ami Dassault, autre moment de tendresse féminine à travers l'entretien accordé par Tristane Banon, la pionnière des femmes harcelées dont la presse, à la quasi unanimité, avait, il n'y a pas si longtemps de cela, sans gêne brocardé le combat. La romancière qui, justement, sort un bouquin intitulé Prendre un papa par la main, hommage à peine voilé à notre grand poète Yves Duteil et « récit d'un coup de foudre réciproque entre un bébé et l'homme qui deviendra son père », déplore qu'il n'y ait pas eu, en 2011, de hashtag #MeToo – pas moi. Quant à la journaliste chargée de la promo, elle semble déplorer que la triste Tristane soit désormais « loin de la jeune femme modèle aux cheveux parfaitement brushés qui brillait sur les plateaux de Thierry Ardisson en 2004 ou Mireille Dumas en 2008 ». Les deux femmes s'accordent tout de même sur l'émotion suscitée par la mort de Johnny – Banon avouant avoir été bouleversée de voir sa mère, grande fan du créateur de Gabrielle, scotchée devant sa télé de 9h du matin à 9 h du soir. Enfin, parce que Tristane aime les gens qui ont eu plusieurs vies, elle confie sa passion pour Carla Bruni, femme exceptionnelle, fascinante, intelligente, qui aspire à la bienveillance, « c’est un modèle », conclut l'écrivain.
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Carla Bruni, justement. Le journal, jadis dirigé par Jean d'Ormesson, nous apprend que l'ancienne mannequin, première dame, croqueuse d'hommes, chanteuse, et surtout héritière, fait des pompes dans son salon. Intrigué, je clique sur le titre. Je pensais que, ruinée par de mauvais investissements, ou en vue de la condamnation du petit Nicolas, cette femme fascinante s'était vue obligée d'installer un atelier clandestin de chaussures dans son salon. Que nenni, l'une des résolutions 2018 de l'irrésistible Carla est de faire un peu plus d'exercice physique. On en veut pour preuve, nous dit la dépêche, la homemade vidéo postée sur les réseaux sociaux constituée de pompes et d'abdominaux, ce qui, nous dit-on, éliminera les ripailles excessives des fêtes de fin d'année passées au Maroc. La république est rassurée.
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Comme elle l'a été en apprenant que notre jeune et bon président s'apprêtait à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les fake news, afin de « protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles ». En période électorale, a-t-il précisé lors de ses vœux. Cette nouvelle loi est donc initiée par celui qui, dès son élection, s'est empressé de constituer sa propre agence d'information, ce même homme qui, en période d'élection justement, n'avait pas hésité à faire le buzz avec une info délirante – la promesse de ne plus voir une seule personne sans domicile cet hiver –, celui dont l'un des ministres vient d'affirmer, sans rire, que cette fabuleuse promesse a été tenue, ceux qui dorment encore dans la rue ayant fait le choix d'y rester…, j'en passe et des aussi honteuses.
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Le mot du jour revient tout de même à l'inénarrable Frédéric Beigbeder. Le journal fondé par Sartre, et encore nommé Libération, publie en effet un édifiant portrait de ce dandy des médias et de la pub, réfugié sur la côte basque afin de pouponner en paix, loin du ramdam des nuits germanopratines et de la cocaïne. On y apprend ainsi que Fredo est « alerte et drôle », selon son éditeur, qu'il vient d’abandonner la rédaction en chef du magazine Lui où, dixit le journaliste, « il donnait libre cours à un attrait pour le sexy que le moralisme ambiant décrète aisément sexiste », mais aussi qu'il a voté Mélenchon au premier tour des présidentielles avant de s'en prendre à « la défausse de l'insoumis incapable d’appeler à faire barrage à Le Pen ». Un sacré farceur en effet, notre grand écrivain. Mais la cerise sur le gâteux, qui avoue douter désormais de l'inexistence de Dieu, est tout de même cette formule publicitaire que d'aucuns pourraient prendre pour du style : « Les églises sont les spas de l’âme ».
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Rien à voir. Parlons littérature, avec une triste nouvelle. La disparition dans un accident de voiture de Paul Otchakovsky-Laurens, éditeur de Perec, Duras, Kaplan, et d'auteurs plus dispensables. Tout récemment il avait publié le récit du tournage de Passe-Montagne de Stévenin par son monteur, Yann Dedet.
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Epuisé par cette promenade erratique, je tombe sur un article, signé par deux vraies journalistes, Sophie Eustache et Jessica Trochet, paru dans le Diplo du mois d'août et que le journal vient de mettre en ligne sur son site. Il y est question de la pratique du journalisme à l'heure des buzz et des clics, et, en filigrane, de l'avenir d'une profession désormais bien peu enviable. Extrait :
…« Ce qui nous agaçait le plus connaissant nos conditions de travail, qui n’étaient pas idéales, c’était d’être à ce point encensés comme étant une entreprise très cool : on a une table de ping-pong, on travaille dans des hamacs avec des ordinateurs portables. Il y a des canapés, une télé, une salle avec des jeux vidéo… Tu es entre copains, donc tu ne comptes pas tes heures », raconte Mathieu, ancien rédacteur en chef adjoint de MeltyStyle, un site consacré à la mode masculine et aux nouvelles technologies, et rédacteur en chef de VirginRadio.fr, dont le groupe Lagardère a sous-traité la production éditoriale au groupe Melty. Mathieu a quitté l’entreprise à la suite d’un syndrome d’épuisement professionnel.
Car derrière les décors acidulés se cache un univers de forçats. Melty fonctionne en partie grâce au « contenu » fourni par des autoentrepreneurs payés en fonction du nombre de clics qu’a généré l’article : 4 euros au minimum, et un maximum de 30 euros quand le texte atteint les dix mille vues en vingt-quatre heures. Ce système, qui rappelle celui des cueilleurs saisonniers payés au kilo, résume bien la vision du fondateur du groupe : « Je trouve ça tellement dommage que les salariés n’arrivent pas à se dire parfois que leurs acquis sociaux ne sont plus compétitifs par rapport au marché », confiait M. Malsch au journaliste William Réjault en 2015…
C'est à lire dans son intégralité ici. Moi, je vais me recoucher…
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