Daido Moriyama |
elle œuvrait dans un parking
gardé par un vigile braque
du côté de la porte de versaillesaprès vingt heures
les tarifs étaient abordables et
elle acceptaitles chèques
j'avais repéré sur le site plusieurs
de ses annonces
il y en avait pour tous les goûtsles affaires carburaient
seul le kilométrage différait
nous avions échangé
comme on dit
par messagerie
puis au téléphone
un accent à couper à la machette
peu sensuel
engageant
à peine identifiable
elle n'avait pas menti surla marchandiseles modèles disponiblesune dizainetoutes des italiennesse dressaient le long du murtelles des chansons du passécelle que j'avais réservéeparmi elles m'attendaitelle me reconnaissait
les sens chamadéssur le point de réaliser un
fantasme d'ado
attardé
je m'approchai yeux fermésle pas mal assuréeffleurait du bout des gantsma princesse decinémascope noir et blancla pris enfin
en mains
la faisant tournoyer
sous les néons épuisés
du deuxième sous-solnous allions bien nous amuserréglée je filai sur son dosdans la nuit froidelumineuse et prometteuse
de parisquai de montebello je m'excluai
sans excusesd'une atalante de pacotille
de son bal plein de bulles
et d'ennuiheureux je la retrouvaistelle que je la rêvaisencoreau carrefour derrière la facoù j'appris jadis l'anglaisun jeune sujet de la reine en goguettejustementlégèrement ivreou complètement distraitignora forcément
les signaux du sémaphorelancés à sa droiteet fonça sur nous la conscienceen roue librebrutale esquivesuscitée par la surprised'un coup nousgoûtions le goudronsonné à terreen colère contre
la gravité de ma légèretéj'avisais une voiture à visièresstationnée sur le pont50 mètres en amont
un agent s'agitaitdéjà vers nous
notre galopade fantastique
prenait mauvaise tournure
— emporté
impatient
j'avais fait l'impasse
sur les formalités
étais bon pour les emmerdes
je pris lâchement le fonctionnaire à témoinle feu non respecté et nos vies en dangerl'ahuri albion se faisait encore plus petitqu'il n'étaitet perfide comme il se doit convoquait sa mèrerésidente parisiennelarmoyait sa première fois au volantde ce côté du channelet une conduite naturellement maladroiteun permis tout fraisdont il n'avait pour le moment
qu'une pale attestation
il en faisait des kilosle flic fatigué
exaspérédécouragé à l'idéed'embarquer des étrangersproposa de nous arrangerentre nousà la bonne franquettesans constat ni tracasle bon dieu nous reconnaîtrale lendemain
à l'heure doutée
je retrouvais le niais anglaissa convenue et rondelette indemnisationqui finalement couvrirait à peinede nécessaires réparations
et révisions
mais la vie sépare ceux qui s'aiment et
après une ou deux alertes
notre idylle en ville
fut foudroyée à quelques encabluresde la porte d'italiepeu avant vingt heures
plus rienune histoire sans lendemainhomologation
de faisceau électriquetraficpiège à cons
c'en était fini de la fête
par une nuit froide
dans la peau d'un amoureux transi
trahi
traduit devant les tribunaux
j'ai rendu l'animale à l'italienne
avec l'aide d'un ami roumain clandestin
de mon frère
et de sa bringuebalante estafette
sous de transalpines
insultes à ma virilità
et autres épithètes de volatiles
néanmoins exécrables
je récupérais mon chèque que
dans un grand geste
fabuleusement grotesque
je déchirais à ses pieds
le monde m'appartenait
souffrir ne sert à rien
une semaine plus tard
lendemain de mon anniversaire
sans doute
dans les vapeurs de la pistache
je revenais quelques pages
en arrière
dealais avec ma banquière
et replongeais à mort
en enfance
et à crédit
charles brun, comédie à l'italienne
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